Les gouvernements fédéral et provinciaux canadiens ont pris des mesures sans précédent pour promouvoir l’éloignement social après l’annonce par l’Organisation mondiale de la santé que l’épidémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est entrée dans la catégorie des pandémies mondiales. Les fermetures d’écoles, l’interdiction des grands rassemblements publics et des événements sportifs, de même que les mises en garde contre les voyages visent toutes à aider le Canada « à aplatir la courbe » de l’épidémie. Le CMAJ emboîte le pas aux responsables de la santé publique, aux travailleurs de la santé et à la population dans cette lutte contre la COVID-19 et le virus qui la cause, le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2).
Pour bien cibler les décisions difficiles qui affectent le marché du travail, la fréquentation scolaire, les voyages, les loisirs et les interactions avec autrui, les autorités de la santé publique et les gestionnaires de nos systèmes de santé qui conseillent nos responsables politiques, passent en revue des données qui évoluent d’heure en heure. Les provinces et les territoires, les systèmes de santé et les partis politiques collaborent de manière exemplaire et appliquent les leçons tirées de l’épidémie de SRAS de 2003. Ils savent que peu importe les décisions, elles risquent d’être jugées et critiquées. Mais ils travaillent pour nous et ils travaillent bien.
Nous soulignons l’apport des grands médias canadiens, qui font le point sur la pandémie de manière honnête et responsable, en s’assurant que nous obtenions en temps opportun les informations justes que nous avons besoin.
Les travailleurs de la santé font maintenant face à une tâche colossale, celle d’offrir des soins de qualité tout en essayant de ralentir la propagation du virus. La plupart devront sans doute bientôt effectuer des quarts interminables dans des conditions stressantes et dans des hôpitaux ou des cliniques de soins primaires déjà à la limite de leurs capacités. Ils savent que peu importe les précautions prises, certains d’entre eux contracteront le SRAS-CoV-2. Ce risque s’étend aussi aux personnes chargées de l’entretien des cliniques, des services des urgences, des salles de consultation, des unités de soins et des blocs opératoires et qui doivent le faire rapidement et sous pression. Il en va de même pour celles qui accueillent les patients, leur livrent leurs repas et assurent leur sécurité. Nous les remercions tous.
Une frange de la population historiquement moins bien desservie aura besoin que nous apportions des solutions novatrices pour la protéger et la soigner. Comment fait-on respecter l’éloignement social dans un refuge pour sans-abri? Comment isolons-nous efficacement une personne atteinte de grave maladie mentale qui a un logis précaire? Beaucoup de personnes autochtones vivent depuis longtemps dans des lieux inadéquats, à plusieurs sous un même toit, dans des communautés éloignées, ce qui rend le confinement difficile. Des enjeux relatifs au partage des compétences fédérales et provinciales nuisent déjà à la mise en place de mesures de santé publique efficaces et à la prestation des soins de santé pour les personnes autochtones en temps normal; il ne faudrait pas que ces enjeux entravent une réponse efficace à la COVID-19. Nous devons aussi nous assurer que les travailleurs de la santé qui œuvrent auprès de cette population mal desservie aient le même accès à de l’équipement protecteur que les travailleurs hospitaliers.
Dans nos systèmes de santé, il est rare que les interactions entre soins primaires, communautaires, actifs et de longue durée soient harmonieuses en temps normal. Elles risquent de se compliquer davantage avec la pression croissante exercée par la pandémie. Nous devons travailler fort à maintenir les canaux de communication ouverts et à assurer la continuité des soins. En outre, certains groupes indemnes de la COVID-19 (p. ex., patientes devant subir des examens prénataux ou patients sous chimiothérapie) devront continuer de recevoir des soins, même si les cliniques régulières risquent de travailler au ralenti. Les médecins devront procéder plus qu’avant à des consultations virtuelles malgré leurs doutes quant à la façon de les mener efficacement; d’autres devront prodiguer des soins en-dehors de leur champ habituel de compétences.
Si nous arrivons à aplatir la courbe de l’épidémie au Canada, nous donnerons du temps à notre système de santé et on ne saurait trop en souligner l’importance. Mais les pressions qui en résultent pour le système lui-même et ceux qui y travaillent se feront probablement sentir pendant des mois encore. L’impact émotionnel pour les travailleurs de la santé qui verront des collègues tomber malades de la COVID-19 sera substantiel. Veiller efficacement au bien-être psychologique des travailleurs de la santé doit être une priorité.
La possibilité que les restrictions soient maintenues plus longtemps dans les milieux de travail, les loisirs et les interactions sociales affectera également la santé mentale des gens. Je suis certain que les experts de la santé publique tiendront compte du besoin de contact humain, surtout chez les personnes seules, en édictant et en expliquant les politiques nécessaires pour contenir la propagation du virus.
Beaucoup de Canadiennes et de Canadiens perdent déjà leur gagne-pain; la population canadienne à revenu faible en souffrira davantage. Même s’il est réconfortant que les gouvernements et les employeurs aient annoncé des mesures pour tenter de réduire les pertes financières, celles-ci auront des conséquences sur la santé.
Le personnel du CMAJ travaille à domicile au moins jusqu’au 16 avril. Certains rédacteurs sont des travailleurs de la santé qui devront se consacrer davantage à des tâches cliniques. Nous comprenons que nos médecins qui sont auteurs et réviseurs doivent prioriser les patients au détriment de leurs tâches éditoriales.
Le CMAJ traite rapidement les demandes de publication d’articles en lien avec la COVID-19 qui présentent un intérêt pour la santé publique et les politiques. Nous sommes également à la recherche de nouveaux formats pour relater des histoires de réussite, d’innovation et de résilience.
Nous traversons une période d’incertitude. L’équipe du CMAJ remercie toutes les personnes qui mettent l’épaule à la roue pour que les systèmes de santé canadiens continuent de fonctionner et toutes celles qui suivent à la lettre les recommandations de la santé publique. Ensemble, nous allons aplatir la courbe de l’éclosion au Canada.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200428
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