Les données disponibles concernant le traitement de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) sont indirectes (tirées d’études sur la grippe, le syndrome respiratoire aigu sévère et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient) ou proviennent d’études d’observation et d’essais randomisés et contrôlés sur des patients atteints de COVID-19 ayant des échantillons de petite taille et une rigueur limitée, ce qui permet de ne formuler que des recommandations faibles.
Étant donné les effets indésirables inévitables des interventions, le groupe de travail pour la ligne directrice (qui incluait 2 patients partenaires) a déduit que la plupart des patients informés refuseraient le traitement uniquement en présence de données de très faible qualité quant à ses bénéfices et, donc, l’incertitude à leur endroit est considérable.
Le groupe de travail n’a formulé qu’une seule recommandation faible en faveur d’un traitement : l’utilisation de corticostéroïdes chez les patients atteints d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRAS), sur la base de données indirectes.
Le groupe de travail a formulé des recommandations faibles à l’encontre des corticostéroïdes chez les patients indemnes de SDRA, à l’encontre de l’utilisation de plasma de convalescent et à l’encontre de plusieurs antiviraux qui avaient été évoqués comme traitements potentiels pour la COVID-19.
Il faut de toute urgence procéder à des essais randomisés rigoureux pour établir les bénéfices et les risques associés aux interventions proposées.
C’est le 11 mars 2020 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a officiellement déclaré l’état de pandémie relativement à la flambée de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). La propagation de la COVID-19 à l’échelle mondiale représente une importante menace pour la santé humaine.
Chez les patients atteints de COVID-19, les principaux symptômes sont la fièvre, la toux et la myalgie ou la fatigue, et parfois au début, des symptômes surtout gastro-intestinaux. Chez une minorité de patients, la maladie évolue vers une pneumonie grave et chez environ 15 % d’entre eux, elle progresse vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) critique, qui se révèle fatal dans environ 50 % des cas1–3.
Compte tenu de l’ampleur des effets négatifs de la COVID-19 sur la santé, on comprend que les personnes atteintes et les médecins sont impatients d’avoir accès à des interventions susceptibles de ralentir la progression de la maladie, de prévenir les décès et d’accélérer le rétablissement. Cette hâte a peut-être incité certains experts, organismes de réglementation et dirigeants politiques à prendre trop rapidement position face aux avantages potentiels de certains traitements, sans prendre la pleine mesure de leurs inconvénients potentiels4,5.
L’utilisation de médicaments dont l’efficacité n’a pas été démontrée pourrait miner la confiance du public, entraîner des préjudices indus, compromettre les recherches susceptibles de fournir des réponses concluantes et gaspiller des ressources au détriment d’interventions avérées bénéfiques. Des lignes directrices fondées sur des données probantes pour le traitement des patients atteints de COVID-19 sont une stratégie pour éviter la surutilisation de traitements dont la réputation est sans fondement.
Nous avons donc rédigé une ligne directrice fondée sur des données probantes axée sur les patients atteints d’une forme modérée ou grave de la COVID-19 et, en ce qui concerne l’utilisation des corticostéroïdes, sur les patients atteints du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Le processus de rédaction de notre ligne directrice est conforme aux normes qui régissent la préparation de lignes directrices dignes de confiance6, dont l’approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation), largement utilisée pour mesurer la qualité des données et classer la force des recommandations7. Compte tenu du manque anticipé de données provenant d’études ayant inscrit des patients atteints de COVID-19, les recommandations s’articulent autour de données pertinentes, directes et indirectes.
Portée
Les professionnels de la santé représentent l’auditoire cible de cette ligne directrice qui inclut 3 catégories d’interventions : corticothérapie, plasma de convalescent et antiviraux. Nous discutons du recours à ces 3 interventions pour les cas modérés ou graves de la COVID-19 et, en ce qui concerne les corticostéroïdes, pour les cas de SDRA, puisque les bénéfices attendus peuvent différer d’un groupe à l’autre. Par exemple, le taux de mortalité associé à la forme modérée de la COVID-19 se situerait à 1/1000 contre 100/1000 pour les cas graves, d’où un potentiel d’amélioration largement plus vaste pour la forme grave de la COVID-191.
Notre définition de pneumonie grave due à la COVID-19 est celle de l’OMS : fièvre ou infection respiratoire présumée, plus 1 des éléments suivants : fréquence respiratoire > 30 respirations/min., grave détresse respiratoire, ou saturation en oxygène du sang artériel (SpO2) mesuré par oxymètre de pouls ≤ 93 % à l’air ambiant8. Pour l’OMS, l’atteinte « grave » concerne les patients hospitalisés pour pneumonie soignés dans des services de médecine et dont la maladie n’est pas critique. Les meilleures données probantes suggèrent que la maladie d’environ 85 % de ces patients ne progressera pas vers un état critique comme le SDRA1.
Comme nous prévoyons que les médecins seront peu enclins à envisager l’utilisation du plasma de convalescent chez les patients atteints de la forme modérée de la COVID-19, pour cette intervention, nous avons tenu compte uniquement des cas graves de COVID-19. De même, les médecins risquent peu d’envisager la corticothérapie dans les cas modérés; à cet égard, nous avons donc centré notre attention sur les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et de SDRA.
Recommandations
L’encadré no 1 résume les recommandations. Nous avons formulé une recommandation faible en faveur d’un traitement (corticothérapie dans les cas graves de COVID-19 avec SDRA) et des recommandations faibles contre l’utilisation des autres traitements analysés dans cette ligne directrice.
Sommaire des recommandations
Nous suggérons d’utiliser la corticothérapie chez les patients atteints de la forme grave de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) (recommandation faible).
L’agent, la dose et la durée de la corticothérapie ont varié dans les essais randomisés et contrôlés (ERC) pertinents. La méthylprednisolone à 40 mg par voie IV pendant 10 jours représente 1 schéma envisageable et utilisé par les intensivistes de notre groupe de travail.
Nous suggérons de ne pas utiliser la corticothérapie chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 en l’absence de SDRA (recommandation faible).
Si les médecins choisissent d’utiliser des corticostéroïdes chez des patients qui ne présentent pas de SDRA, l’utilisation de doses plus faibles pendant moins longtemps pourrait réduire le risque de toxicité.
Nous suggérons de ne pas utiliser le plasma de convalescent chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 (recommandation faible).
Nous suggérons de ne pas utiliser la ribavirine, l’umifénovir, le favipiravir, le lopinavir-ritonavir, l’hydroxychloroquine, l’interféron-α et l’interféron-β chez les patients atteints de la forme modérée de la COVID-19 (recommandation faible).
Nous suggérons de ne pas utiliser la ribavirine, l’umifénovir, le favipiravir, le lopinavir-ritonavir, l’hydroxychloroquine, l’interféron-α et l’interféron-β chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 (recommandation faible).
Corticostéroïdes
Nous suggérons d’utiliser la corticothérapie chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et de SDRA (recommandation faible).
Commentaire : L’agent, la dose et la durée de la corticothérapie ont varié dans les essais randomisés et contrôlés (ERC) pertinents. La méthylprednisolone à 40 mg par voie IV pendant 10 jours représente 1 schéma envisageable et utilisé par les intensivistes de notre groupe de travail.
Données directes
Dans 1 étude d’observation3 sur des patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et de SDRA, l’administration de méthylprednisolone a réduit le risque de décès (risque relatif [RR] ajusté 0,41, intervalle de confiance [IC] de 95 % 0,20 à 0,83; données de très faible qualité) (annexe 1, accessible en anglais ici : www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200648/-/DC1)9.
Données indirectes
L’argument biologique qui sous-tend l’administration des corticostéroïdes pour diverses affections menant au SDRA — y compris les infections virales, bactériennes et les affections non infectieuses — est leur effet sur la cascade inflammatoire, l’alvéolite qui en résulte et qui entraîne la détresse respiratoire. Selon les données de 7 ERC regroupant 851 patients atteints de SDRA, les corticostéroïdes donnent lieu à une réduction de la mortalité qui, appliquée aux patients atteints de COVID-19, correspondrait à une baisse des décès de 17,3 % (IC de 95 % –27,8 % à –4,3 %; données de faible qualité) (annexe 1)9.
Les corticostéroïdes peuvent abréger de plus de 4 jours la durée de la ventilation artificielle (données de faible qualité), mais l’incertitude est très grande quant à leur effet sur la durée du séjour aux soins intensifs (SI) et à l’hôpital (annexe 1)9.
Les corticostéroïdes peuvent accroître de 8,1 % les complications hyperglycémiques graves (données de faible qualité), pourraient avoir un effet minime, voire nul sur les saignements gastro-intestinaux et la faiblesse neuromusculaire (données de faible qualité), et un effet minime, voire nul sur la surinfection (données de qualité modérée) (annexe 1)9.
Raison d’être
L’utilisation des corticostéroïdes chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et de SDRA pourrait réduire substantiellement la mortalité, un paramètre crucial. Une corticothérapie brève comporte peu d’effets négatifs. Selon nos déductions quant aux valeurs et préférences des patients, nous avons formulé une recommandation faible en faveur des corticostéroïdes.
Nous suggérons de ne pas utiliser la corticothérapie chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 en l’absence de SDRA (recommandation faible).
Commentaire : Si les médecins choisissent d’utiliser des corticostéroïdes chez des patients qui ne présentent pas de SDRA, l’utilisation de doses plus faibles pendant moins longtemps pourrait réduire le risque de toxicité.
Données directes
Des données de très faible qualité tirées de 2 études de cohorte10,11 regroupant 331 patients atteints de la forme grave de la COVID-19 ont soulevé la possibilité que comparativement à leur absence, le recours aux corticostéroïdes puisse accroître la mortalité (RR 2,30, IC de 95 % 1,00 à 5,29); 1 de ces études11 est une prépublication (annexe 1)9.
Données indirectes
Les données de très faible qualité tirées de 2 études d’observation12,13 regroupant 6129 patients atteints de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) soulèvent la possibilité que les corticostéroïdes puissent réduire la mortalité. Des données concernant 290 patients atteints du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO) dans 1 étude d’observation14 vont dans le même sens, mais encore une fois, les données sont de très faible qualité. Les données concernant le SRAS et le SRMO fournissent des preuves de très faible qualité selon lesquelles les corticostéroïdes pourraient retarder la clairance de l’acide ribonucléique (ARN) du coronavirus (annexe 1)9. Il faudra procéder à des ERC pour analyser les effets des corticostéroïdes sur la pneumonie virale (indépendamment du SDRA).
Des données de très faible qualité tirées de 11 études d’observation regroupant 8530 patients atteints de grippe soulèvent la possibilité que les corticostéroïdes puissent accroître la mortalité. Il demeure possible que les corticostéroïdes augmentent la surinfection et le recours à la ventilation artificielle (données de très faible qualité) (annexe 1)9.
Des données de très faible qualité provenant 13 ERC regroupant 2034 patients atteints de pneumonie extrahospitalière soulèvent la possibilité que les corticostéroïdes puissent réduire la mortalité. Les corticostéroïdes pourraient abaisser de 10,4 % (IC de 95 % –13,8 % à –4,3 %; données de faible qualité) le recours à la ventilation artificielle, tandis que des données de très faible qualité soulèvent la possibilité d’un abrègement du séjour aux soins intensifs, du séjour hospitalier et de la durée de la ventilation artificielle. Les corticostéroïdes augmentent probablement les complications hyperglycémiques graves de 5,7 % (0,18 % à 15,3 %; données de faible qualité) et pourraient augmenter les complications neuropsychiatriques et les surinfections (données de faible qualité). Les corticostéroïdes exerceraient un effet minime, voire nul sur les saignements gastro-intestinaux (données de faible qualité) (annexe 1)9.
Raison d’être
Chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 hors des soins intensifs, les bénéfices des corticostéroïdes sont moins prononcés que dans les cas de SDRA. Les données indirectes concernant la mortalité étaient de très faible qualité et variaient selon qu’il s’agissait de SRAS, de SRMO, de grippe ou de pneumonie extrahospitalière. Des données de qualité faible suggèrent que les corticothérapies brèves causent un préjudice modeste. Dans ce contexte, si les bénéfices sont très incertains, nos déductions quant aux valeurs et aux préférences des patients nous inclinent à formuler une recommandation faible contre le recours aux corticostéroïdes dans les cas graves de la COVID-19 sans SDRA.
Plasma de convalescent
Nous suggérons de ne pas utiliser le plasma de convalescent chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 (recommandation faible).
Données indirectes
Des données de très faible qualité provenant de 1 étude d’observation15 regroupant 40 patients atteints de SRAS soulèvent la possibilité que le plasma de convalescent puisse réduire la mortalité (annexe 2, accessible en anglais ici : www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200648/-/DC1)16.
Quatre ERC17–20 incluant 572 patients atteints de grippe ont généré des données de très faible qualité selon lesquelles le plasma de convalescent aurait un effet minime, voire nul sur la mortalité, pourrait légèrement accélérer le rétablissement et abréger le séjour hospitalier et la durée de la ventilation artificielle. L’utilisation de plasma de convalescent pourrait entraîner une différence minime voire nulle du taux de complications graves (–1,2 %, IC de 95 % –3,5 % à 2,3 %; données de faible qualité) (annexe 2)16.
Raison d’être
Des données de très faible qualité soulèvent la possibilité que le plasma de convalescent puisse être sécuritaire et agir favorablement sur certains paramètres importants. Étant donné les ressources qu’il faut mobiliser pour préparer et administrer le plasma de convalescent, les données que nous avons sont insuffisantes pour en appuyer l’utilisation.
Antiviraux
Nous suggérons de ne pas utiliser la ribavirine, l’umifénovir ( Arbidol), le favipiravir, le lopinavir-ritonavir, l’hydroxychloroquine, l’interféron-α et l’interféron-β chez les patients atteints de la forme modérée de la COVID-19 (recommandation faible).
Étant donné que la probabilité de décès des suites de la COVID-19 chez les patients dont la maladie est dans sa forme modérée est extrêmement faible (de l’ordre de 1/1000), nous sommes très confiants que les antiviraux exerceront un effet minime, voire nul sur la mortalité chez ces patients1.
Un ERC21 sur l’umifénovir et le lopinavir-ritonavir a fait état d’autres paramètres pertinents chez des patients atteints de la forme modérée de la COVID-19, y compris toux, fièvre et aggravation de la maladie, mais l’ERC n’incluait en tout que 23 patients traités par umifénovir et 28 patients traités par lopinavir-ritonavir; par conséquent, les intervalles de confiance étaient si larges que les données se révèlent non concluantes (annexe 3, accessible en anglais ici : www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200648/-/DC1)22. Une étude d’observation23 sur 120 patients atteints de COVID-19 de gravité variable fournit des données de très faible qualité selon lesquelles le lopinavir-ritonavir pourrait accroître la clairance virale au jour 23 (annexe 3)22.
En ce qui concerne l’interféron-α, une étude d’observation24 chez 70 patients atteints de COVID-19 de gravité variable fournit des données de très faible qualité selon lesquelles l’ajout d’interféron-α à l’umifenovir pourrait ne pas affecter le temps requis pour la clairance virale ni la durée du séjour hospitalier par rapport à l’umifénovir seul. On ne dispose d’aucune donnée publiée quant à un effet positif ou négatif de l’interféron-β ou de la ribavirine chez les patients atteints de la forme modérée de la COVID-19.
En ce qui concerne le favipiravir, un ERC25 sur 236 patients atteints de COVID-19 de gravité variable a suggéré, en comparaison avec l’umifénovir, une incidence potentiellement plus élevée de rétablissement au jour 7, mais en raison d’un risque de biais, d’imprécisions et du caractère indirect des données, ces dernières ne se sont révélées que de très faible qualité (annexe 3)22. Une étude d’observation26 sur 80 patients atteints de la forme modérée de la COVID-19 fournit des données de très faible qualité selon lesquelles le favipiravir pourrait accroître la clairance virale au jour 7 par rapport au lopinavir-ritonavir. Les paramètres concernant l’amélioration des symptômes chez les patients atteints de la forme modérée de la maladie traités avec d’autres agents ne sont pas disponibles.
En ce qui concerne les préjudices, les études sur l’interféron-α n’ont pas porté sur ses effets symptomatiques. Des études d’observation ont suggéré des augmentations substantielles de l’anémie (26 %) et de la bradycardie (15 %) avec la ribavirine, mais on ignore si les patients ont manifesté des symptômes27. Des données sur les effets indésirables sont de très faible qualité pour l’umifénovir, et de faible qualité pour le favipiravir (annexe 3)22. Un ERC28 sur le lopinavir-ritonavir fournit des données de qualité modérée concernant l’augmentation de la diarrhée (6 %), des nausées (9,5 %) et des vomissements (6,3 %) causée par cette association de médicaments.
Les données concernant l’hydroxychloroquine proviennent de 3 ERC29–31 regroupant 240 patients atteints de la forme modérée de la COVID-19. Étant donné un important risque de biais (sans insu), d’imprécisions (intervalle de confiance élargi) et le caractère indirect des données (groupes sous intervention et témoins incluant d’autres médicaments, ce qui limite les inférences quant à l’effet de l’hydroxychloroquine), ces études ont fourni des données de très faible qualité quant aux effets possibles suivants : effet minime, voire nul sur la clairance virale, légère réduction de la durée de la fièvre, progression minime, voire nulle de la forme modérée de la maladie à sa forme grave, et effet minime, voire nul sur le rétablissement au jour 7 (annexe 3)22. L’hydroxychloroquine peut causer de la diarrhée chez environ 10 % des patients (données de faible qualité). Des données de très faible qualité suggèrent des augmentations possibles de céphalées, érythème cutané, nausées et vomissements et vision trouble (annexe 3)22.
Raison d’être
En raison de l’incidence très faible de décès, les antiviraux ne peuvent pas donner lieu à des réductions importantes de la mortalité chez les patients atteints de la forme modérée de la maladie. Nous ne disposons d’aucune donnée concluante quant à un effet bénéfique sur les symptômes, quel que soit le médicament, tandis que des données confirment des préjudices non négligeables associés à la ribavirine et au lopinavir-ritonavir et une forte incertitude en ce qui concerne les effets indésirables d’autres médicaments. Il faudra étudier ces agents dans le cadre d’ERC.
Jusqu’ici, pour tous les médicaments, le groupe de travail est arrivé à un consensus. Dans le cas de l’hydroxychloroquine, rien ne suggère un avantage chez les patients atteints de la forme modérée de la COVID-19; on constate par contre des augmentations possibles de l’érythème, des nausées et des vomissements. Quinze membres du groupe de travail ont voté en faveur d’une recommandation faible de ne pas utiliser le médicament, 3 ont voté pour l’abstention de toute recommandation et 7 membres n’ont pas voté en raison d’intérêts concurrents d’ordre intellectuel.
Nous suggérons de ne pas utiliser la ribavirine, l’umifénovir, le favipiravir, le lopinavir-ritonavir, l’hydroxychloroquine, l’interféron-α et l’interféron-β chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 (recommandation faible).
Données indirectes
Des études d’observation12,32–34 sur la ribavirine et l’interféron pour des maladies à coronavirus autres que la COVID-19 (SRAS et SRMO) fournissent des estimations ponctuelles suggérant des réductions de la mortalité, mais les intervalles de confiance sont très larges et incluent des augmentations de la mortalité; dans l’ensemble, les données sont de très faible qualité (annexe 3)22. Comme le mentionnait la section précédente, une étude d’observation27 suggère des cas fréquents d’anémie et de bradycardie chez les patients sous ribavirine, mais l’effet sur l’expérience des patients demeure incertain.
Données directes
Nous ne disposons d’aucune donnée directe sur la ribavirine ou l’interféron-β dans la forme grave de la COVID-19. Pour l’interféron-α, comme le mentionnait la section précédente, une étude d’observation24 a fourni des données de très faible qualité selon lesquelles le médicament exerce un effet minime, voire nul sur le temps requis pour la clairance virale ou la durée du séjour hospitalier.
Pour l’umifénovir, le seul ERC21 a inscrit 23 patients atteints de la forme modérée de la COVID-19, ce qui laisse, pour tous les paramètres, (et en plus du caractère indirect des données provenant de patients atteints de la forme modérée de la maladie) des intervalles de confiance si larges qu’ils sont non concluants (annexe 3)22. Une étude d’observation35 sur 504 patients atteints de COVID-19 de gravité variable fournit des données de très faible qualité selon lesquelles l’umifénovir pourrait réduire la mortalité.
Pour le favipiravir, nous avons mentionné à la section précédente les données de très faible qualité quant à une clairance virale accrue par rapport au lopinavir-ritonavir (annexe 3). Un ERC36 sur le lopinavir-ritonavir chez 386 patients atteints de grippe suggère que le médicament pourrait ne pas causer la diarrhée (les résultats de cet ERC n’ont pas encore été publiés).
Les données tirées de 1 ERC28 regroupant 199 patients atteints de la forme grave de la COVID-19 suggèrent que le lopinavir-ritonavir puisse réduire la mortalité de 2,4 % (IC de 95 % –5,7 % à 3,1 %), abréger la durée du séjour aux soins intensifs de 5 jours (IC de 95 % –9 à 0), et la durée du séjour hospitalier de 1 jour (IC de 95 % –2 à 0), mais étant donné les intervalles de confiance de 95 %, les résultats incluent la possibilité d’une absence d’effet (toutes données de faible qualité, pour imprécisions et risque de biais). Nous avons trouvé des données de qualité modérée sur des augmentations de la diarrhée (6 %), des nausées (9,5 %) et des vomissements (6,3 %) avec le lopinavir-ritonavir (annexe 3)22. Comme le mentionnait la section précédente, 1 étude d’observation23 sur 120 patients atteints de COVID-19 de gravité variable fournit des données de très faible qualité selon lesquelles le lopinavir-ritonavir pourrait accroître la clairance virale au jour 23 (annexe 3)22. Des données de très faible qualité tirées de 2 études d’observation regroupant 181 patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et 255 patients atteints de la maladie à divers degrés (prépublication)37,38 ont soulevé la possibilité que l’hydroxychloroquine puisse augmenter la mortalité et le recours à la ventilation artificielle (annexe 3)22.
Raison d’être
Des données de très faible qualité ont soulevé la possibilité que la ribavirine, l’umifénovir, le favipiravir, l’interféron-α et l’interféron-β puissent avoir un effet bénéfique minime, voire nul sur la mortalité chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19. Nous sommes également très incertains quant à l’innocuité de ces médicaments chez les patients gravement atteints de la maladie.
Le groupe de travail est arrivé à un consensus pour toutes les recommandations concernant les antiviraux mentionnés jusqu’ici. Comme on le décrivait plus haut, toutefois, pour le lopinavir-ritonavir, même si 1 ERC28 a suggéré que cette association puisse réduire la mortalité, l’IC à 95 % (–5,7 % à 3,1 %) incluait une augmentation de 3,1 % de la mortalité, et en raison du protocole à étiquetage en clair, l’étude était exposée à un risque élevé de biais. De même, l’IC de 95 % en ce qui concerne les estimations de l’abrègement du séjour aux soins intensifs et à l’hôpital n’incluait aucun effet, et les données étaient globalement de faible qualité. Compte tenu de l’incertitude et des augmentations probables de la diarrhée (meilleure estimation 6 %), des nausées (9,0 %) et des vomissements (6,4 %), le groupe de travail a formulé une recommandation faible contre l’utilisation du lopinavir-ritonavir. En terminant, 14 membres du groupe de travail ont voté pour recommander de ne pas utiliser l’association médicamenteuse, et 6 étaient en faveur; 5 membres n’ont pas voté en raison d’intérêts intellectuels concurrents.
Chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19, 2 études d’observation37,38 ont soulevé la possibilité que l’hydroxychloroquine puisse accroître la mortalité et la nécessité de la ventilation artificielle. Au bout du compte, 15 membres du groupe de travail ont voté pour une recommandation faible contre l’utilisation du médicament, 3 ont voté pour l’absence de recommandation et 7 n’ont pas voté en raison d’intérêts intellectuels concurrents.
Méthodologie
Composition du groupe et processus
Le comité directeur pour la ligne directrice comprenait 5 membres : le président (G.G.), le responsable du projet (Z.Y.), un investigateur et expert clinique sur la COVID-19 (B.D.), un investigateur pharmacien en milieu universitaire (S.Z.) et un urgentologue et méthodologiste (B.R.). Les tâches principales du comité directeur incluaient : définir la portée de la ligne directrice, proposer les questions cliniques spécifiques abordées par la ligne directrice, choisir les membres du groupe de travail, incluant la vérification des intérêts concurrents, établir les règles pour l’atteinte d’un consensus ou pour le vote, superviser la réalisation de toutes les revues systématiques afférentes, la confection des tableaux sommaires des observations et le respect des échéances, et proposer les valeurs et préférences initiales appuyées ultérieurement par le groupe de travail en vue de cette ligne directrice.
Le groupe de travail pour la ligne directrice comprenait 26 membres de 6 pays (Chine, Canada, Corée du Sud, Arabie Saoudite, Singapour, Mexique) et incluait 6 intensivistes, 5 pharmaciens, 3 pneumologues, 1 infectiologue, 1 infirmière, 2 patients partenaires rétablis après une COVID-19 (une de forme modérée, l’autre grave), de même que 8 méthodologistes, qui sont tous cliniciens (l’annexe 4, accessible en anglais ici : www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200648/-/DC1, contient la liste complète des membres du groupe de travail pour la ligne directrice).
Le groupe de travail pour la ligne directrice s’est rencontré à 3 reprises par vidéoconférence (le 28 février, le 23 mars et le 24 mars 2020). Avant la première réunion et entre la première et la deuxième, le comité directeur s’est aussi réuni pour discuter des enjeux de portée, de population et d’approches pour résumer des données indirectes, la planification des revues systématiques et la rédaction des recommandations.
Après ces réunions, le groupe de travail a continué de correspondre par courriel; il a entre autres passé en revue la version révisée du tableau sommaire des observations sur l’hydroxychloroquine après la publication de nouvelles données en avril 2020 et a procédé à un nouveau vote sur la recommandation afférente le 25 avril 2020.
Sélection des questions prioritaires
Lors de sa première réunion, le groupe de travail pour la ligne directrice a dressé la liste des questions qu’elle devait aborder en choisissant les plus préoccupantes pour les médecins qui soignent des patients atteints de la forme modérée ou grave de la COVID-19. La section ci-haut mentionnée intitulée « Portée “ résume les populations et les interventions auxquelles le groupe de travail a choisi de s’attarder. Le groupe de travail a conseillé les équipes chargées des revues systématiques au sujet des paramètres d’intérêt à prioriser.
Sommaire des données
Conformément aux méthodes recommandées39 et en suivant les indications et commentaires du comité directeur et du groupe de travail pour la ligne directrice, un groupe distinct a été chargé de réaliser 3 revues systématiques des données afférentes à nos questions9,16,22. Les rapports de ces 3 revues systématiques (corticostéroïdes, antiviraux et plasma de convalescent) sont notamment le fruit d’interrogations des bases de données MEDLINE, Embase, PubMed, du registre central Cochrane des essais cliniques et de medRxiv effectuées en mars 2020 sans restriction quant à la langue de publication. Les revues systématiques renferment d’autres détails au sujet des interrogations9,16,22. Nous avons inclus les ERC, les études de cohorte et les études cas–témoins et exclu les études qui ne portaient que sur un seul groupe. Nous avons aussi mis à jour les données directes à propos de la COVID-19 jusqu’au 25 avril 2020.
Pour évaluer le risque de biais des ERC, nous avons utilisé une version modifiée de l’outil d’évaluation du risque de biais Cochrane 1.040. Pour évaluer le risque de biais des études de cohorte et des études cas–témoins, nous avons utilisé des instruments mis au point par le groupe de recherche CLARITY (Clinical Advances Through Research and Information Translation) de l’Université McMaster, à Hamilton, en Ontario41,42.
À l’aide de l’approche GRADE, la qualité des corpus de preuves recueillis a été jugée élevée, modérée, faible ou très faible. Les données tirées d’essais randomisés et contrôlés étaient jugées de qualité élevée et les données d’études d’observation de qualité faible43. Les enjeux entourant le risque de biais44, les imprécisions45, les résultats contradictoires46, le caractère indirect47 et les biais de publication48 pouvaient entraîner une baisse de la cote de qualité de l’étude. La présence d’une association de grande ampleur ou d’un gradient dose–réponse pouvait faire augmenter la cote d’une étude d’observation49.
Nous avons résumé les données dans des tableaux sommaires des observations GRADE présentant les effets relatifs et absolus. Nous avons obtenu les effets absolus en appliquant des estimations des effets relatifs, parfois de populations indemnes de COVID-19, aux risques de base de populations atteintes de COVID-19. Dans ce document, nous ne présentons que les effets absolus étant donné leur importance pour les patients.
Comme nous avons prévu le manque de données directes provenant d’études sur des patients atteints de COVID-19, nous avons résumé les données indirectes connexes provenant de patients atteints de SRAS, SRMO, SDRA, grippe, pneumonie extrahospitalière et, pour les effets indésirables du plasma de convalescent, de maladie à virus Ebola. À l’aide de l’approche GRADE, pour les paramètres d’efficacité provenant de patients atteints de SRAS ou de SRMO, nous avons abaissé la cote des données d’une catégorie en raison de leur caractère indirect; pour ce qui est des paramètres d’efficacité concernant le SDRA, la grippe, la pneumonie extrahospitalière et autres maladies infectieuses virales aiguës, nous avons abaissé la cote de qualité des données de 2 catégories pour tenir compte de leur caractère très indirect. Pour le groupe de travail, les données sur les effets indésirables étaient moins indirectes que les données sur l’efficacité et ont donc diminué la cote de qualité de ces données d’une seule catégorie ou, dans certains cas, ne l’ont pas diminuée du tout pour leur caractère indirect.
Valeurs et préférences
Selon l’expérience des membres du groupe de travail avec les patients et les commentaires des 2 patients partenaires et compte tenu du peu de données disponibles, le groupe de travail a adopté les positions suivantes quant aux valeurs et aux préférences utilisées pour éclairer les recommandations. Premièrement, en présence d’un préjudice modeste et de données de faible qualité quant à une différence légère, mais importante concernant un paramètre pertinent pour les patients (p. ex., la mortalité), la plupart des patients choisiraient de recevoir l’intervention. C’est-à-dire que la plupart des patients accorderaient une valeur plus grande à un avantage incertain, léger, mais important, qu’à l’évitement de préjudices modestes. Deuxièmement, lorsque des données de faible qualité suggèrent un bienfait léger, voire nul, ou lorsqu’on ne dispose que de données de très faible qualité et que les effets sont par conséquent très incertains, la plupart des patients refuseraient l’intervention.
Rédaction des recommandations
Le groupe de travail pour la ligne directrice a rédigé les recommandations lors de ses deuxième et troisième réunions et, comme nous l’avons mentionné précédemment, dans le cas de l’hydroxychloroquine, lors d’un échange subséquent de courriels. Le groupe de travail avait accès aux tableaux sommaires des observations avant les réunions et le président les passait en revue au cours des réunions. Les recommandations ont été formulées au cours des réunions après l’examen des données, en tenant compte de l’ampleur des bénéfices et des préjudices, de la qualité des données et des valeurs et préférences sous-jacentes, et selon le cas, une attention était portée au coût des ressources mobilisées (encadré no 2).
Classification des recommandations
Le groupe de travail pour les lignes directrices a utilisé l’approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation)7 pour éclairer les recommandations. Il a déterminé la force des recommandations après avoir soupesé les résultats souhaités et les conséquences indésirables, et en tenant compte des valeurs et préférences des patients, du degré de confiance à l’endroit des estimations de l’effet, de son incertitude ou de sa variabilité, de même que des ressources mobilisées.
Recommandations fortes
Le groupe de travail n’a formulé aucune recommandation forte.
Recommandations faibles
Le groupe de travail a formulé exclusivement des recommandations faibles, fondées sur des données de faible ou de très faible qualité, sur ses déductions quant aux valeurs et préférences des patients et, à titre secondaire, sur les ressources mobilisées pour des interventions non fondées.
Le but des discussions du groupe de travail était d’abord d’arriver à un consensus, qui a été atteint pour la plupart des recommandations. Lorsque le groupe de travail n’arrivait pas à un consensus, on optait pour un vote formel qui nécessitait l’appui à 70 % d’une option pour en faire la recommandation. Si le seuil de 70 % n’était pas atteint, notre processus consistait à déclarer que le groupe de travail n’avait pas tranché, ne formulait pas de recommandations, et présentait plutôt le résultat du vote avec les commentaires afférents. Le président a tenté d’orienter le groupe de travail vers un consensus sans prendre position, et n’a pas participé au vote.
Gestion des intérêts concurrents
Pour la gestion des intérêts concurrents, nous avons adhéré aux principes du Guidelines International Network50. Nous avons recueilli les divulgations d’intérêts concurrents directs (financiers) et indirects (intellectuels) de tous les participants dès le début du processus de préparation de la ligne directrice et avant sa publication. Nous avons exclu du groupe de travail les individus qui avaient des intérêts concurrents financiers personnels. Les candidats retenus ont tous rempli un formulaire de déclaration des intérêts concurrents dont les membres du comité directeur ont pris connaissance avant de rendre leurs décisions finales quant aux dits conflits, au cas par cas (annexe 5, accessible en anglais ici : www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200648/-/DC1). Les membres qui se trouvaient en situation de conflits d’intérêts intellectuels, incluant des travaux en cours sur les traitements abordés dans la présente ligne directrice, ont été autorisés à participer aux discussions sur les recommandations concernées, mais non aux prises de décision à leur sujet.
Mise en oeuvre
La ligne directrice sera disponible dans des formats conviviaux et multiniveaux pour les médecins et les patients par le biais de MAGICapp (https://app.magicapp.org/app#/guideline/EK6W0n). Cela inclura les tableaux interactifs des sommaires des observations GRADE et des outils décisionnels pour faciliter les prises de décision lors des consultations. La ligne directrice sera mise à jour sur MAGICapp à mesure que de nouvelles données seront disponibles.
De plus, les participants à cette ligne directrice prévoient faire partie d’une initiative plus vaste pour formuler rapidement de nouvelles recommandations à mesure que des données de meilleure qualité provenant d’ERC seront publiées pour confirmer ou modifier les pratiques.
Les recommandations contenues dans cette ligne directrice visent à décourager l’utilisation d’interventions pour lesquelles on dispose de données de très faible qualité, ce qui réduira le gaspillage de ressources médicales. Il faut noter que la circulation d’assertions non fondées faisant la promotion de médicaments au sujet desquels nous n’avons pas pu trouver de données robustes quant à leurs bénéfices pour le moment représente un obstacle majeur à l’application de cette ligne directrice.
Autres lignes directrices
Le tableau 1 résume les recommandations sur l’utilisation des corticostéroïdes, du plasma de convalescent et des antiviraux provenant de 5 lignes directrices sur la COVID-19 : celles de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA)51, de la campagne Surviving Sepsis (SSC)52, de l’OMS8, de l’Australian and New Zealand Intensive Care Society (ANZICS)53 et du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) du Royaume-Uni54.
En ce qui concerne les corticostéroïdes et le SDRA, l’IDSA n’en recommande l’utilisation que dans un contexte d’essai clinique; la SSC exprime une suggestion favorable; et l’OMS, l’ANZICS et le NICE se positionnent contre. Chez les patients indemnes de SDRA, toutes les lignes directrices déconseillent leur utilisation.
En ce qui concerne le plasma de convalescent, l’IDSA n’en recommande l’utilisation que dans un contexte d’essai clinique. La SSC et notre ligne directrice se sont exprimées contre son utilisation. Les autres lignes directrices n’ont pas abordé le sujet.
L’IDSA a recommandé l’utilisation du lopinavir-ritonavir uniquement dans un contexte d’essai clinique et la SSC, tout comme notre ligne directrice, se sont prononcées contre ce médicament. Les autres lignes directrices n’ont pas abordé la question du lopinavir-ritonavir. L’IDSA a recommandé l’utilisation de l’hydroxychloroquine uniquement dans un contexte d’essai clinique et la SSC n’a formulé aucune recommandation à son sujet; les autres lignes directrices n’ont pas abordé la question. Aucune de ces lignes directrices n’a porté sur les autres médicaments au sujet desquels notre ligne directrice s’est prononcée.
Lacunes dans les connaissances
Les bénéfices et, dans une large mesure, les préjudices associés aux interventions mentionnées dans cette ligne directrice demeurent très incertains. Même si des données tirées d’ERC sont requises pour tous les agents envisagés, les plus prometteurs d’entre eux devraient probablement être priorisés.
En raison des données actuellement plus prometteuses quant à des effets marqués, nous suggérons la réalisation d’ERC volumineux et méthodologiquement rigoureux pour analyser l’action des corticostéroïdes chez les patients atteints de la forme grave de la COVID-19 et plus particulièrement de SDRA, et également celle du lopinavir-ritonavir et de l’umifénovir dans la forme grave de la COVID-19. L’hydroxychloroquine serait une autre candidate pour une étude plus approfondie, non parce qu’on dispose de données provenant d’études chez l’être humain, mais plutôt en raison des résultats d’études précliniques et de l’intérêt qu’elle suscite jusqu’à maintenant.
Beaucoup d’ERC sont en cours pour évaluer des interventions de lutte à la COVID-19, y compris une importante initiative commanditée par l’OMS, l’essai SOLIDARITY55.
Limites
Au moment où nous avons déterminé la portée de cette ligne directrice, nous avons décidé d’exclure le remdésivir, parce qu’aucun brevet n’en permettait l’utilisation dans le monde, et du tocilizumab, parce qu’aucune étude n’est disponible concernant son utilisation. Les 2 médicaments sont à présent envisagés pour la COVID-19. Le fait que nous ne les ayons pas inclus représente une des limites de notre ligne directrice.
La composition du groupe de travail pour la ligne directrice représente une autre limite : en effet, notre groupe de travail incluait plus d’hommes que de femmes, et ses membres provenaient principalement de la Chine et du Canada.
Conclusion
Étant donné que les données étaient majoritairement de très faible qualité pour ce qui est des bénéfices des traitements étudiés par le groupe de travail, et compte tenu des inférences de ce dernier au sujet des valeurs et des préférences des patients, le groupe de travail a formulé presque exclusivement des recommandations faibles à l’encontre de l’utilisation des interventions passées en revue dans la présente ligne directrice. La communauté scientifique devrait interpréter les recommandations faibles de cette ligne directrice comme un appel à entreprendre de toute urgence des ERC rigoureux sur les interventions proposées.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200648
Entrevue avec l’un des auteurs en baladodiffusion : https://soundcloud.com/cmajpodcasts/200648-guide-fre
Cette ligne directrice sera mise à jour, à l’adresse https://app.magicapp.org/app#/guideline/EK6W0n, à mesure que de nouvelles données seront obtenues.
Intérêts concurrents: Younsuck Koh, Bin Du et Yaseen Arab déclarent être les auteurs de Surviving Sepsis Campaign : Guidelines on the Management of Critically Ill Adults With Coronavirus Disease 2019, qui formule une recommandation en lien avec cette ligne directrice au sujet des corticostéroïdes dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë. Bin Du déclare être l’investigateur principal d’un essai randomisé et contrôlé (ERC) prospectif en cours sur l’efficacité des corticostéroïdes chez les patients atteints de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) dans sa forme de modérée à grave, soutenu par la subvention de recherche n° 2020YFC0841300 du ministère des Sciences et de la Technologie de la République populaire de Chine. Srinivas Murthy et Robert Fowler déclarent être les investigateurs d’un essai bénéficiant d’une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), pour évaluer l’effet des corticostéroïdes et des antiviraux (hydroxychloroquine et lopinavir-ritonavir) chez des patients atteints de COVID-19. Ning Shen déclare être investigateur pour un essai qui mesure l’effet de l’hydroxychloroquine chez des patients atteints de COVID-19, subventionné par le Centre des sciences de la santé de l’Université de Pékin. Neill Adhikari déclare être co-investigateur d’un projet subventionné par les IRSC sur les antiviraux chez les patients hospitalisés pour COVID-19 et d’un second projet subventionné par les IRSC sur divers traitements, y compris les corticostéroïdes, dans des cas critiques de COVID-19. Mark Loeb déclare avoir reçu une subvention et des honoraires personnels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour des travaux contractuels sur la grippe et la résistance aux antibiotiques, des honoraires de consultation et une subvention de Seqirus pour un ERC sur la grippe, des honoraires personnels à titre de membre du comité consultatif et un soutien non financier de Sanofi sous forme de don de vaccins en vue d’un ERC sur la grippe, et des honoraires à titre de consultant pour Pfizer et Medicago. Le Dr Loeb déclare aussi être investigateur pour un essai sur l’effet de la chloroquine-azithromycine chez les patients atteints de COVID-19, subventionné par le ministère de la Santé de l’Ontario, Bayer et Abbott. François Lamontagne et Bram Rochwerg déclarent être investigateurs d’un essai subventionné par les IRSC sur l’effet des corticostéroïdes et des antiviraux (hydroxychloroquine et lopinavir-ritonavir) chez des patients atteints de COVID-19. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Zhikang Ye, Suodi Zhai, Bin Du, Bram Rochwerg et Gordon Guyatt ont collaboré à la conception et à l’élaboration des travaux. Zhikang Ye, Ying Wang, Bram Rochwerg, Haibo Qiu, Mark Loeb, Luis Colunga-Lozano, Bin Du, Fang Liu, Suodi Zhai Gordon Guyatt ont collaboré à l’acquisition des données. Zhikang Ye, Ying Wang, François Lamontagne, Robert Fowler, Neill Adhikari, Li Jiang, Mark Loeb, Haibo Qiu, Li Wei, Ling Sang, Ning Shen, Minhua Huang, Yaseen Arabi, Younsuck Koh, Luis Colunga-Lozano, Dong Liu, Fang Liu, Jason Phua, Aizong Shen, Tianui Huo, Bin Du, Suodi Zhai et Gordon Guyatt ont collaboré à l’analyse et à l’interprétation des données. Tous les auteurs ont participé à la rédaction du manuscrit, en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée, et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Aucun.
Propriété intellectuelle du contenu: Il s’agit d’un article en libre accès distribué conformément aux modalités afférentes à la licence Creative Commons Attribution (CC BY NC 4.0), qui permet aux utilisateurs d’employer, reproduire, disséminer ou afficher l’article à la condition que les travaux originaux soient adéquatement cités et que la réutilisation soit restreinte à des fins non commerciales (c.-à-d., à des fins de recherche ou de formation). Voir : https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/
Remerciements: Les auteurs remercient Rachel J. Couban pour sa contribution au développement de stratégies de recherche optimale pour les 3 revues systématiques qui ont orienté cette ligne directrice.
Avertissement: Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que les auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues, les décisions ou les politiques des établissements auxquels ils sont affiliés.
Approbations: Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie (AMMI) Canada, Société canadienne de soins intensifs, Centre pour une pratique efficace et Association pharmaceutique chinoise, Comité professionnel des pharmaciens des hôpitaux