Abstract
CONTEXTE: Il existe très peu de données directes sur l’administration de corticostéroïdes aux patients atteints de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Les données indirectes sur des maladies associées devront donc guider les conclusions quant aux bénéfices et aux préjudices associés à cette pratique. Dans le but d’appuyer la rédaction d’une ligne directrice sur la prise en charge de la COVID-19, nous avons réalisé des revues systématiques sur les effets des corticostéroïdes dans le traitement de la COVID-19 et de maladies respiratoires aiguës sévères associées.
MÉTHODES: Dans des bases de données biomédicales chinoises et internationales et des sources de prépublications, nous avons cherché les essais randomisés et contrôlés (ERC) et les études d’observation comparant des patients atteints de la COVID-19, du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO) ayant reçu des corticostéroïdes à des patients semblables n’ayant pas reçu ce type de médicaments. Pour le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), l’influenza et la pneumonie extrahospitalière (PEH), nous avons mis à jour les revues systématiques rigoureuses les plus récentes. Nous avons réalisé des méta-analyses à effets aléatoires pour cerner les risques relatifs, puis nous avons utilisé le risque de référence des patients atteints de la COVID-19 pour calculer les effets absolus.
RÉSULTATS: Pour le SDRA, selon 1 petite étude de cohorte sur des patients atteints de la COVID-19 et 7 ERC sur des patients atteints d’une autre maladie (risque relatif : 0,72, intervalle de confiance [IC] de 95 % 0,55–0,93, différence entre les moyennes [DM] 17,3 % plus faible, données de faible qualité), les corticostéroïdes pourraient réduire le risque de mortalité. Chez les patients atteints d’une forme grave de COVID-19 sans SDRA, 2 études d’observation ont généré des données directes de très faible qualité montrant une augmentation du risque de mortalité avec l’administration de corticostéroïdes (rapport de risques 2,30, IC de 95 % 1,00–5,29, DM 11,9 % plus élevé). C’est aussi le cas de données observationnelles sur l’influenza. Des données observationnelles de très faible qualité sur le SRAS et le SRMO montrent peu ou pas de réduction dans le risque de mortalité. Des essais randomisés et contrôlés sur la PEH suggèrent que les corticostéroïdes pourraient réduire le risque de mortalité (risque relatif 0,70, IC de 95 % 0,50–0,98, DM 3,1 % plus faible, données de très faible qualité), et augmenter le risque d’hyperglycémie.
INTERPRÉTATION: Les corticostéroïdes pourraient réduire le risque de mortalité pour les patients atteints de la COVID-19 avec SDRA. Pour les patients atteints d’une forme grave de COVID-19 sans SDRA, les données sur les bénéfices provenant de différentes sources sont incohérentes et de très faible qualité.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé a qualifié de pandémie la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)1. La propagation mondiale de la COVID-19 est une grande menace à la santé humaine.
Les médecins traitent souvent les patients atteints de la COVID-19 par l’administration de corticostéroïdes2. Cette pratique est toutefois controversée : 2 publications récentes dans The Lancet ont fait état de points de vue divergents fondés en partie sur des études portant sur le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO) et l’influenza. Une étude déconseillait l’administration de corticostéroïdes dans le traitement de la COVID-19, alors que l’autre la recommandait pour certains patients3,4.
La formulation de recommandations sur l’administration de corticostéroïdes aux patients atteints de la COVID-19 exige un examen systématique des données disponibles. Ainsi, pour appuyer un guide de pratique clinique sur la prise en charge des patients atteints de la COVID-195, nous avons mené une série de revues systématiques. Comme nous anticipions un manque de données directes pour la COVID-19, nous avons inclus les données disponibles portant sur l’administration de corticostéroïdes dans le traitement du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), du SRAS, du SRMO, de l’influenza et de la pneumonie extrahospitalière (PEH), des sources de données indirectes pouvant nous guider dans la détermination de l’efficacité et de l’innocuité des corticostéroïdes dans le traitement de la COVID-19.
Méthodes
Pour le SDRA, nous avons utilisé les définitions des études admissibles, et celle de l’Organisation mondiale de la Santé pour les formes graves de COVID-19 (fièvre ou suspicion d’infection respiratoire, ainsi qu’un des signes suivants : fréquence respiratoire > 30 cycles/min, intense détresse respiratoire ou saturation en oxygène [SpO2] ≤ 93 % en air ambiant6).
Pour la COVID-19, le SRAS et le SRMO, nous avons inclus toutes les études primaires admissibles à nos revues systématiques. Pour le SDRA, l’influenza et la PEH, nous avons choisi les revues systématiques rigoureuses les plus récentes et les études primaires admissibles récentes. Le choix des paramètres a été encadré par notre protocole préliminaire, par les conseils du groupe de travail pour la ligne directrice et par les conclusions des études admissibles.
Stratégies de recherche et critères de sélection
L’annexe 1 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1) présente le protocole établi avant d’entamer les revues systématiques, qui suit le modèle PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses)7.
COVID-19, SRAS et SRMO
Avec l’aide d’une bibliothécaire médicale (R.J.C.), nous avons cherché les documents publiés dans MEDLINE, Embase, PubMed et le Cochrane Central Register of Controlled Trials du début de la couverture de ces bases de données jusqu’au 19 avril 2020, et dans medRxiv, jusqu’au 25 avril 2020. Pour les études portant sur des patients atteints de la COVID-19, nous avons aussi cherché dans des bases de données chinoises, notamment la China National Knowledge Infrastructure (CNKI), Wanfang, Chongqing VIP Information (CQVIP) et ChinaXiv. L’annexe 2 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1) présente la stratégie de recherche complète.
Nous avons inclus les essais randomisés et contrôlés (ERC), les études de cohorte et les études cas–témoins comparant les patients atteints de la COVID-19, du SRAS ou du SRMO ayant reçu des corticostéroïdes à ceux qui n’en ont pas reçu. Nous n’avons inclus que les études de cohorte et les études cas–témoins qui comportaient une analyse ajustée, sauf si aucune étude ne présentait ce type d’analyse. Dans ce dernier cas, nous avons inclus les analyses non ajustées. Pour les études présentant des recoupements (utilisant les mêmes sources de données), nous n’avons inclus que l’étude la plus importante, à moins qu’une plus petite étude comprenne des analyses supplémentaires utiles.
SDRA, influenza et PEH
Nous avons réalisé des recherches séparées pour le SDRA, l’influenza et la PEH, en utilisant un processus en 2 étapes (voir l’annexe 2 pour connaître la stratégie de recherche). Nous avons d’abord cherché à repérer les revues systématiques s’intéressant aux effets des corticostéroïdes sur les patients atteints d’un SDRA, de l’influenza ou d’une PEH dans MEDLINE, Embase, la Cochrane Database of Systematic Reviews et Epistemonikos et avons choisi la revue systématique rigoureuse la plus récente. Ensuite, nous avons cherché les études publiées après la recherche de ces revues dans MEDLINE, Embase et ClinicalTrials.gov pour le SDRA et la PEH, et dans MEDLINE, Embase, PubMed et le Cochrane Central Register of Controlled Trials pour l’influenza. Pour le SDRA et la PEH, nous n’avons inclus que des ERC. Pour l’influenza, nous avons inclus des ERC et des études de cohorte.
Pour toutes les recherches, 2 personnes ont parcouru de manière indépendante les titres et les résumés, puis le texte complet des études prometteuses pour déterminer leur admissibilité. Les désaccords ont été résolus par une discussion ou, si nécessaire, par l’opinion d’une troisième personne. Il n’y avait aucune restriction de langue.
Analyse de données
Deux personnes ont extrait de manière indépendante les paramètres des études, une troisième personne réglant les désaccords au besoin. Les paramètres comprennent le risque de mortalité, la durée du séjour aux soins intensifs, la durée du séjour à l’hôpital, la durée de la ventilation mécanique, la nécessité d’une ventilation mécanique, la détection d’acide ribonucléique (ARN) viral, l’intervalle de temps où le virus était libéré, le risque d’hyperglycémie grave, le risque de surinfection, la faiblesse neuromusculaire et les saignements gastro-intestinaux.
Nous avons calculé des estimations sommaires à l’aide de Stata ou de Review Manager, et les effets relatifs (rapports des cotes [RC], risques relatifs et rapports de risque) et les intervalles de confiance (IC) de 95 % pour les paramètres dichotomiques, ainsi que les différences entre moyennes (DM) et les IC de 95 % pour les paramètres continus à l’aide d’un modèle à effets aléatoires. Pour les paramètres continus et les estimations ajustées, nous avons utilisé la méthode de l’inverse de la variance (DerSimonian et Laird), et la méthode de Mantel–Haenszel pour les paramètres dichotomiques des ERC. Lorsqu’il y avait des incohérences entre les études, nous avons tranché en évaluant la différence entre les estimations ponctuelles et le chevauchement des intervalles de confiances, ainsi que la statistique I2. Pour les paramètres dichotomiques, nous avons calculé les effets absolus des traitements en appliquant les effets relatifs au risque chez les patients n’ayant pas reçu de corticostéroïdes dans 2 groupes : les patients atteints d’une forme grave de COVID-19 et les patients atteints de la COVID-19 avec SDRA. Le risque de mortalité de référence pour les patients atteints de la COVID-19 et du SDRA a été déterminé grâce à une étude d’observation portant sur des patients atteints de la COVID-19 et du SDRA8, et celui pour les patients atteints d’une forme grave de COVID-19, grâce à une étude d’observation portant sur des patients atteints de COVID-19 grave2. Pour les autres paramètres, nous nous sommes fondés sur le risque de référence de la médiane des groupes n’ayant pas reçu de corticostéroïdes dans les études incluses.
Évaluation du risque de biais
Nous avons utilisé ROBIS, un outil d’évaluation du risque de biais9, pour choisir les revues systématiques les plus rigoureuses à mettre à jour. Nous avons utilisé une version modifiée de l’outil d’évaluation du risque de biais de Cochrane10 pour évaluer le risque de biais dans les ERC et une version révisée de l’échelle de Newcastle–Ottawa11,12 pour les études d’observation (détails accessibles au www.evidencepartners.com/resources/methodological-resources/). Deux personnes ont évalué de manière indépendante le risque de biais, en résolvant les désaccords avec l’aide d’une troisième personne au besoin.
Classement de la qualité des données
Nous avons utilisé l’approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) pour classer la qualité des données comme élevée, modérée, faible ou très faible pour chaque paramètre13. L’évaluation porte sur les éléments suivants : risque de biais14, imprécisions15, incohérences16, données indirectes17 et biais de publication18. En cas de problème important dans l’un ou l’autre de ces domaines (par exemple, pour le risque de biais), nous avons réduit la cote de qualité des données. Parce que les effets des corticostéroïdes pourraient différer pour les personnes atteintes de la COVID-19 et celles atteintes d’autres maladies, et comme nous utilisons une approche indirecte, nous avons réduit la cote de qualité des données d’un niveau pour les bénéfices chez les patients atteints du SRAS et du SRMO, et de 2 niveaux pour les patients atteints du SDRA, de l’influenza ou d’une PEH. Parce que nous avons considéré que les préjudices étaient plus susceptibles de s’appliquer à la population cible que les bénéfices, pour toutes les populations, nous avons réduit la cote de qualité des données d’un niveau.
Approbation éthique
L’approbation éthique n’avait pas à être demandée pour cette revue systématique.
Résultats
L’annexe 3 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1) présente le processus de sélection des études. Notre recherche pour la COVID-19, le SRAS et le SRMO a donné 5120 résultats. Après avoir retiré les duplicata, parcouru les titres et les résumés et consulté les textes complets, nous avons finalement inclus 1 étude de cohorte8 portant sur 84 patients atteints de la COVID-19 et du SDRA, 5 études de cohorte19–23 portant sur 679 patients atteints de la COVID-19, sans SDRA, 3 études (2 études de cohorte24,25 et 1 ERC26) portant sur 7087 patients atteints du SRAS et 2 études de cohorte27,28 portant sur 623 patients atteints du SRMO.
Notre recherche de revues systématiques sur le SDRA a donné 836 résultats. Nous avons finalement choisi de mettre à jour une revue systématique publiée en 201929. Notre recherche d’études primaires a permis de trouver 1 nouvel ERC admissible publié en 202030. Avec les 6 ERC contenus dans la revue systématique, nous avons inclus 7 ERC30–36 portant sur 851 patients.
Notre recherche de revues systématiques sur l’influenza a donné 525 résultats. Nous avons choisi de mettre à jour une revue systématique publiée en 201937. Notre recherche d’études primaires a permis de trouver 1 nouvelle étude admissible publiée en 202038. Avec les 30 études présentées dans la revue systématique, nous avons relevé 31 études admissibles39–69, parmi lesquelles 21 portant sur 9536 patients ont été incluses aux méta-analyses41,43–47,50,52,53,55–61,63–65,68,69.
Notre recherche de revues systématique sur la PEH a donné 346 résultats. Nous avons choisi de mettre à jour une revue systématique publiée en 201570. Notre recherche d’études primaires a permis de trouver 1 nouvelle étude admissible publiée en 201671. En incluant les 12 ERC inclus dans la revue systématique, nous nous sommes intéressés à 13 ERC71–83 portant sur 2095 patients.
L’annexe 4 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1) présente les paramètres des études incluses. L’annexe 5 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1) présente l’évaluation du risque de biais pour chaque étude. Des graphiques en forêts des résultats des méta-analyses pour le risque de mortalité sont présentés aux figures 1 à 5, et, pour les autres paramètres, à l’annexe 6 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/suppl/doi:10.1503/cmaj.200645/-/DC1).
SDRA
Les données pour les patients atteints de la COVID-19 et d’un SDRA étaient disponibles dans 1 étude d’observation portant sur 84 patients8. Elles suggéraient que l’administration de corticostéroïdes pourrait grandement réduire le risque de mortalité comparativement à l’absence de ce médicament (rapport de risque : 0,41, IC de 95 % 0,20–0,83, DM 29,2 % plus faible, données de très faible qualité) (tableau 1).
Les données pour les patients atteints du SDRA sans COVID-19 provenaient de 7 ERC30–36 portant sur 851 patients (tableau 2). Nous avons considéré que les données pour la plupart des paramètres étaient de qualité élevée pour le SDRA. Après avoir réduit de 2 niveaux la cote de qualité des données en raison des données indirectes, elles étaient de faible qualité pour la COVID-19. Ces ERC semblent indiquer que les corticostéroïdes pourraient réduire de manière importante le risque de mortalité (risque relatif 0,72, IC de 95 % 0,55–0,93, DM 17,3 % plus faible, données de faible qualité) (figure 1). La très faible qualité des données soulève la possibilité que les corticostéroïdes auraient peu ou pas d’effets sur la durée du séjour aux soins intensifs32–34 (DM 0,1 jour de plus, IC de 95 % 3,0 jours de moins à 3,2 jours de plus), mais pourraient réduire la durée du séjour à l’hôpital33,34,36 (DM 3,6 jours de moins, IC de 95 % 0,02–7,2 jours de moins). Des données de faible qualité montrent que l’administration de corticostéroïdes pourrait réduire la durée de la ventilation mécanique (DM −4,8 jours, IC de 95 % −7,0 à −2,6)30,31,33–36, mais augmenter le risque d’hyperglycémie grave (augmentation du risque de 8,1 %, IC de 95 % 0,7 %–16,2 %)30,33,35, avec peu ou pas d’effets négatifs sur la faiblesse neuromusculaire33,34, les saignements gastro-intestinaux35,36 et le risque de surinfection30,33–36.
Forme grave de COVID-19 : données directes d’études d’observation
Des données de très faible qualité de 2 études de cohorte19,23 portant sur 331 patients atteints d’une forme grave de COVID-19 ont soulevé la possibilité que les corticostéroïdes augmentent le risque de mortalité comparativement à la non-administration de ce médicament (rapport de risques 2,30, IC de 95 % 1,00–5,29, DM 11,9 % plus élevé) (tableau 3, figure 2). Une étude de cohorte20 a rapporté une augmentation du risque de mortalité, toutes populations confondues ou de l’admission aux soins intensifs des patients à qui on administre des corticostéroïdes. De plus, 2 études de cohorte21,22 ont suggéré que l’administration de corticostéroïdes serait associée à une période plus longue avant la clairance du virus (données de très faible qualité).
Forme grave de COVID-19 : données indirectes d’études d’observation et d’un essai randomisé sur des patients atteints du SRAS
Deux études de cohorte24,25 portant sur 6129 patients atteints du SRAS ont fourni des données de faible qualité sur l’effet des corticostéroïdes sur le risque de mortalité; la cote de qualité des données est encore moindre avec l’ajustement en raison des données indirectes (rapport de risques 0,83, IC de 95 % 0,41–1,66, données de très faible qualité) (tableau 4, figure 3). Un ERC26 pour lequel on a étudié 16 patients atteints du SRAS traités à la ribavirine ayant reçu ou non des corticostéroïdes a soulevé la possibilité qu’un traitement précoce (< 7 jours de maladie) à l’hydrocortisone augmenterait la durée médiane avant laquelle l’ARN du coronavirus associé au SRAS (SRAS-CoV) est indétectable dans le plasma (DM 4,0 jours de plus, IC de 95 % 2,0–6,0 jours, données de très faible qualité pour le SRAS, avec les ajustements en raison des données indirectes) (tableau 4).
Forme grave de COVID-19 : données indirectes d’études d’observation sur des patients atteints du SRMO
Une étude de cohorte28 portant sur 290 patients atteints du SRMO suggère une possible réduction du risque de mortalité associée à l’administration de corticostéroïdes (rapport de cotes 0,75, IC de 95 % 0,52–1,07, données de très faible qualité pour le SRMO, avec considérations supplémentaires en raison des données indirectes) (tableau 5). Les données de 189 patients de la même étude28 suggèrent que l’administration de corticostéroïdes pourrait être associée à un retard dans la clairance de l’ARN du coronavirus responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (CoV-SRMO) (rapport de risques 0,35, IC de 95 % 0,17–0,72, données de très faible qualité pour le SRMO, avec les considérations supplémentaires en raison des données indirectes) (tableau 5).
Forme grave de COVID-19 : données indirectes d’études d’observation sur des patients atteints de l’influenza
Les données pour l’influenza provenant de 11 études de cohorte43–45,47,52,55,57–59,61,68 portant sur 8530 patients avec des estimations ajustées pour le risque de mortalité suggèrent que les corticostéroïdes pourraient accroître le risque de mortalité (rapport de cotes 1,70, IC de 95 % 1,31–2,21, DM 6,1 % plus élevé, données de faible qualité pour l’influenza et considérées comme très faible pour la COVID-19 en raison des données indirectes) (tableau 6, figure 4). Des données de très faible qualité pour l’influenza avec les considérations supplémentaires en raison des données indirectes qui proviennent d’études de cohorte ne comportant pas d’analyses ajustées ont soulevé la possibilité que les corticostéroïdes augmentent le risque de surinfection (rapport de cotes 2,74, IC de 95 % 1,51–4,95)43,44,47,52,55,57,65 et le nombre de patients nécessitant une ventilation mécanique (rapport de cotes 5,54, IC de 95 % 1,83–16,80) 52,57,59,61 (tableau 6).
Forme grave de COVID-19 : données indirectes d’essais randomisés sur des patients atteints d’une PEH
En tout, 13 ERC71–83 portant sur 2034 patients atteints d’une PEH se sont intéressés à plusieurs paramètres importants d’efficacité. Pour les patients atteints d’une PEH, en général, les données étaient de qualité élevée à faible. Après avoir retiré 2 niveaux en raison des données indirectes, toutes les données étaient donc de faible ou de très faible qualité. Les corticostéroïdes étaient associés à une réduction du risque de mortalité (risque relatif 0,70, IC de 95 % 0,50–0,98, DM 3,1 % de moins), de la nécessité d’une ventilation mécanique72,75,76,79,82 (différence des risques [DR] 10,4 %, IC de 95 % 4,3 %–13,8 %), de la durée de la ventilation mécanique71,73,74,79,80 (DM 3,5 jours de moins, IC de 95 % 1,8–5,2 jours), de la durée du séjour aux soins intensifs72–76,78,79,82 et de la durée du séjour à l’hôpital71–76,78,79,81,82,84 (tableau 7, figure 5). Une méta-analyse de 8 ERC71,72,75,78,79,81,82,84 a montré que les corticostéroïdes pourraient faire augmenter le risque d’hyperglycémie grave (DR 5,7 %, IC de 95 % 0,18 %–15.3 %, données de qualité modérée pour la PEH, données de faible qualité après ajustement en raison des données indirectes).
Les résultats suggèrent que les corticostéroïdes pourraient faire augmenter le risque de mortalité pour un sous-groupe selon la gravité de la pneumonie (forme grave de pneumonie, risque relatif 0,43, IC de 95 % 0,26–0,73; forme moins grave de pneumonie, risque relatif 1,00, IC de 95 % 0,64–1,56; pour l’interaction, p = 0,02). Les différences sont toutefois habituellement relevées entre les études plutôt qu’au sein d’une même étude, différence qui provient en grande partie des résultats d’une petite étude73 ayant fait l’objet d’un arrêt précoce en raison de ce genre de bénéfices, et dont les données représentent presque certainement une grande surestimation des effets et n’apparaissent pour aucun autre paramètre. Ainsi l’effet sur le sous-groupe est peu crédible.
Pour les autres événements indésirables (incidents neuropsychiatriques72,81,82,84, surinfection71–74,78,81,82,84 et saignements gastro-intestinaux71–75,79,80,82), pour la PEH, les données étaient de qualité modérée pour des préjudices mineurs ou incertains, et de faible qualité après l’ajustement en raison des données indirectes (tableau 7).
Interprétation
Cette série de revues systématiques a guidé la rédaction d’une ligne directrice sur la prise en charge des patients atteints de la COVID-195. Les données directes d’une étude d’observation8 portant sur 84 patients atteints de la COVID-19 et d’un SDRA concordent avec les conclusions de notre revue systématique des ERC portant sur des patients atteints d’une maladie autre que la COVID-19, qui suggéraient que les corticostéroïdes pourraient réduire de plus de 15 % le risque de mortalité chez les patients atteints de la COVID-19 et d’un SDRA et la durée de la ventilation mécanique. Les données semblent indiquer que les corticostéroïdes pourraient faire augmenter le risque d’hyperglycémie grave, bien qu’ils ne semblent avoir aucune incidence en matière d’autre effet indésirable important. Les données pour ces effets sont principalement de faible qualité.
Pour les patients atteints d’une forme grave de COVID-19, mais dont l’état n’est pas critique, les données directes de très faible qualité des études d’observation ont montré une augmentation du risque de mortalité avec la prise de corticostéroïdes. Pour le SRAS et le SRMO, les données observationnelles soulèvent la possibilité d’une réduction modeste du risque de mortalité associé à l’administration de corticostéroïdes, mais aussi une période plus importante avant la clairance du virus. Pour la PEH, les données des ERC suggèrent aussi une réduction du risque de mortalité associée à l’administration de corticostéroïdes ainsi que d’autres bénéfices, notamment la réduction de la durée du séjour à l’hôpital et aux soins intensifs, de la nécessité d’une ventilation mécanique et de la durée de celleci. Des données de faible qualité suggèrent une augmentation probable de l’hyperglycémie et une possible augmentation mineure des incidents neuropsychiatriques et de surinfections, mais pas des saignements gastro-intestinaux. Les études d’observation sur l’influenza ont donné des résultats incohérents, soulevant la possibilité d’une augmentation marquée du risque de mortalité, du risque de surinfection et de la nécessité d’une ventilation mécanique associés à l’administration de corticostéroïdes.
Les forces de cette revue comprennent l’exhaustivité de la recherche, la sélection indépendante des études, l’abstraction des données, l’évaluation du risque de biais par 2 personnes et la présentation des effets absolus pour les paramètres dichotomiques. Nous avons classé la qualité des données selon l’approche GRADE, en portant attention aux enjeux méthodologiques majeurs, comme la différence dans les effets des données indirectes sur les préjudices et les bénéfices. Nous sommes plus hésitants quant à l’application des conclusions concernant les bénéfices constatés pour d’autres maladies aux patients atteints de la COVID-19, par rapport à l’application des conclusions concernant les préjudices. Pour les études d’observation, nous avons inclus, autant que possible, uniquement celles qui comportaient des analyses ajustées. Enfin, une force importante est la présentation d’une évaluation complète de toutes les données indirectes, notamment celles pour le SDRA, le SRAS, le SRMO, l’influenza et la PEH, dans un seul document.
Nous avons comparé notre revue à une autre revue systématique publiée portant sur l’administration de corticostéroïdes dans le traitement de la COVID-1985. Mis à part la COVID-19, le SRAS et le SRMO, notre revue portait sur 3 autres populations : les patients atteints d’un SDRA, d’une PEH et de l’influenza. Notre revue est à jour jusqu’au 19 avril, et inclut des données publiées après la revue systématique qui était à jour au 15 mars8,19–23. De plus, nous avons inclus, autant que possible, uniquement des études de cohorte et des études cas–témoins comportant des estimations des effets ajustées. Enfin, nous avons utilisé l’approche GRADE pour classer la qualité des données.
Pour le SDRA, notre revue a donné des résultats similaires à 1 autre revue systématique publiée29 qui comportait les dernières études publiées. Pour la PEH, les résultats sur lesquels nous nous concentrons sont similaires à ceux d’autres revues récentes86–89 qui montraient que les corticostéroïdes pourraient réduire le risque de mortalité et la durée du séjour à l’hôpital, et faire augmenter le risque d’hyperglycémie.
Nos conclusions sur l’influenza concordent avec les autres revues systématiques précédentes90–92 qui montraient aussi une augmentation du risque de mortalité associée à l’administration de corticostéroïdes. Une revue90 portant uniquement sur les patients atteints d’une pneumonie d’origine grippale, excluant ceux atteints d’une forme modérée de la maladie ou aux soins intensifs, montre que les corticostéroïdes seraient associés à un plus grand risque de mortalité. À l’inverse, une autre revue92 portant sur les formes graves de l’influenza rapporte que, parmi les études ayant des estimations ajustées, les résultats ne montraient aucune différence statistiquement significative entre le groupe recevant des corticostéroïdes et le groupe témoin.
Limites de l’étude
Les limites de cette étude sont essentiellement celles des données sous-jacentes, qui sont pour la plupart de faible qualité ou de très faible qualité pour les bénéfices. On pourrait nous reprocher de ne pas avoir élargi nos sources de données indirectes. Nous aurions pu, par exemple, inclure des données sur la pneumonie à Pneumocystis jiroveci, qui appuient l’administration de corticostéroïdes. Notre critère était l’inclusion de patients atteints d’une pneumonie d’origine virale dans les populations, ce qui est clairement le cas pour le SRAS, le SRMO et l’influenza, mais aussi pour le SDRA et la PEH.
De même, pour ce qui est des préjudices, la prise en compte des données provenant d’ERC sur l’administration à court terme de corticostéroïdes pour d’autres maladies pourrait avoir renforcé nos conclusions. Nous avons toutefois des données de qualité modérée pour les patients atteints du SDRA ne montrant aucune augmentation importante du risque de surinfection et des données de faible qualité sur l’augmentation de l’hyperglycémie grave. Des données de faible qualité suggèrent une possible augmentation mineure du nombre d’incidents neuropsychiatriques. Pour ce paramètre, les données d’autres maladies pourraient avoir été particulièrement utiles.
Conclusion
En raison du manque de données directes et des limites des données indirectes, il est essentiel pour les médecins et les chercheurs de coopérer à la réalisation d’études de grande qualité, particulièrement d’ERC rigoureux à grande échelle, pour évaluer les effets des corticostéroïdes chez les patients atteints de la COVID-19 et d’un SDRA et chez les patients atteints d’une forme grave de COVID-19 qui ne sont pas dans un état critique. Heureusement, des ERC, dont certaines qui portent sur le traitement par corticostéroïdes, sont en cours.
Remerciements
Quazi Ibrahim, Lehana Thabane, Diane Heels-Ansdell, Jason Busse et Li Wang ont offert de l’aide et des suggestions pour l’analyse statistique. Yingqi Xiao bénéficie de l’aide du Conseil des bourses de Chine.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200645; voir un article connexe (en anglais) ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200648
Intérêts concurrents: Bram Rochwerg est un chercheur participant à un essai financé par une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada qui évalue les effets des corticostéroïdes chez les patients atteints de la COVID-19. Aucun autre intérêt concurrent déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Zhikang Ye et Gordon Guyatt ont contribué à la conception des travaux. Zhikang Ye, Ying Wang, Luis Enrique Colunga-Lozano, Manya Prasad et Gordon Guyatt ont contribué à l’élaboration des travaux. Rachel Couban, Zhikang Ye, Ying Wang, Luis Enrique Colunga-Lozano, Manya Prasad, Wimonchat Tangamornsuksan, Liang Yao, Shahrzad Motaghi, Maryam Ghadimi, Malgorzata Bala, Huda Gomaa, Fang et Yingqi Xiao ont contribué à la collecte, l’analyse et l’interprétation des données. Zhikang Ye, Ying Wang, Luis Enrique Colunga-Lozano et Manya Prasad ont participé à la rédaction du manuscrit. Tous les auteurs ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail. Zhikang Ye, Ying Wang, Luis Enrique Colunga-Lozano et Manya Prasad sont les auteurs principaux.
Financement: Aucun.
Partage des données: Les données extraites des études incluses sont présentées à la section Résultats; toutefois, les tableaux complets de données extraites sont disponibles auprès de l’auteur-ressource.
- Accepted May 1, 2020.