Résumé
Contexte: Au Canada, plus de 2 millions de personnes vivent avec l’ostéoporose, une maladie qui accroît le risque de fracture, ce qui fait augmenter la morbidité et la mortalité, et entraîne une perte de qualité de vie et d’autonomie. La présente actualisation des lignes directrices vise à accompagner les professionnelles et professionnels de la santé au Canada dans la prestation de soins visant à optimiser la santé osseuse et à prévenir les fractures chez les femmes ménopausées et les hommes de 50 ans et plus.
Méthodes: Le présent document fournit une actualisation des lignes directrices de pratique clinique de 2010 d’Ostéoporose Canada sur le diagnostic et la prise en charge de l’ostéoporose au pays. Nous avons utilisé l’approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) et effectué l’assurance de la qualité conformément aux normes de qualité et de présentation des rapports de la grille AGREE II (Appraisal of Guidelines for Research & Evaluation). Les médecins de première ligne et les patientes et patients partenaires ont été représentés à tous les niveaux des comités et des groupes ayant participé à l’élaboration des lignes directrices, et ont participé à toutes les étapes du processus pour garantir la pertinence des informations pour les futurs utilisateurs et utilisatrices. Le processus de gestion des intérêts concurrents a été entamé avant l’élaboration des lignes directrices et s’est poursuivi sur toute sa durée, selon les principes du Réseau international en matière de lignes directrices. Dans la formulation des recommandations, nous avons tenu compte des avantages et des risques, des valeurs et préférences de la patientèle, des ressources, de l’équité, de l’acceptabilité et de la faisabilité; la force de chacune des recommandations a été déterminée en fonction du cadre GRADE.
Recommandations: Les 25 recommandations et les 10 énoncés de bonne pratique sont répartis en sections : activité physique, alimentation, évaluation du risque de fracture, instauration du traitement, interventions pharmacologiques, durée et séquence du traitement, et monitorage. La prise en charge de l’ostéoporose devrait se fonder sur le risque de fracture, établi au moyen d’une évaluation clinique réalisée avec un outil d’évaluation du risque de fracture validé. L’activité physique, l’alimentation et la pharmacothérapie sont des éléments essentiels à la stratégie de prévention des fractures, qui devraient être personnalisés.
Interprétation: Les présentes lignes directrices ont pour but d’outiller les professionnelles et professionnels de la santé et la patientèle afin qu’ensemble ils puissent parler de l’importance de la santé osseuse et du risque de fracture tout au long de la vie adulte avancée. La détection et la prise en charge efficace de la fragilité osseuse peuvent contribuer à réduire les fractures et à préserver la mobilité, l’autonomie et la qualité de vie.
Le risque de fracture augmente avec l’âge, en raison du déclin de la résistance mécanique de l’os et de l’augmentation du risque de chute. Au Canada, plus de 2 millions de personnes vivent avec l’ostéoporose1. Au pays, chaque année, environ 150 personnes pour 100 000 subissent une fracture de la hanche, l’un des types de fracture considérés comme les plus graves en lien avec l’ostéoporose. Les fractures sont liées à une morbidité accrue, à une surmortalité, à une dégradation de la qualité de vie et à une perte d’autonomie2. Bien qu’on pense souvent que l’ostéoporose touche surtout les femmes âgées, cette condition est largement sous-évalué et sous-traitée chez les hommes, malgré des issues comparativement plus défavorables en cas de fracture3, ce qui souligne l’importance de publier des lignes directrices pour les hommes.
L’ostéoporose, qu’on définit comme une baisse de la densité minérale osseuse (DMO) d’au moins 2,5 écarts-types par rapport au pic de la masse osseuse (score T ≤ −2,5), est un indicateur de risque de fracture accru; ce risque est influencé par l’âge, le sexe et d’autres facteurs4. On peut émettre un diagnostic clinique d’ostéoporose chez les personnes de 50 ans et plus si elles ont subi après 40 ans une fracture de la hanche, de la colonne vertébrale, de l’humérus ou du bassin consécutive à un traumatisme léger, ou qui ont un risque absolu de fracture de 20 % ou plus sur les 10 prochaines années, établi au moyen d’un outil d’évaluation du risque de fracture (FRAX ou outil de l’Association canadienne des radiologistes et d’Ostéoporose Canada [CAROC])5–7.
Les récentes avancées en matière d’évaluation du risque de fracture et de prise en charge, pharmacologique ou non, exigent une actualisation des lignes directrices de pratique clinique de 2010 d’Ostéoporose Canada pour le diagnostic et la prise en charge de l’ostéoporose au Canada8.
Champ d’application
Élaborées par le groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada, ces lignes directrices actualisées visent à aider les professionnelles et professionnels de la santé en soins primaires au Canada dans le dépistage des femmes ménopausées et des hommes de 50 ans et plus vivant dans la collectivité pour la présence de facteurs de risque d’ostéoporose et de fracture ainsi que dans la prestation des interventions visant à optimiser la santé osseuse et à prévenir les fractures. Tout le long du document, nous utiliserons les termes femmes et hommes pour désigner le sexe biologique des personnes.
Les recommandations concernant le traitement qui figurent ici se concentrent sur les personnes atteintes d’ostéoporose primaire. Nous ne toucherons pas aux cas complexes de la patientèle atteinte de cancer, de maladies graves ou de maladies évolutives pouvant entraîner une perte osseuse (p. ex., hyperparathyroïdie, myélome multiple, nouveau diagnostic de polyarthrite rhumatoïde, autres maladies inflammatoires nécessitant l’administration de fortes doses de glucocorticoïdes). Les maladies connues pour causer de l’ostéoporose secondaire devraient être envisagées, et les personnes atteintes devraient être dirigées vers des spécialistes possédant l’expertise appropriée en vue d’une éventuelle prise en charge concertée (annexe 1, tableau supplémentaire 5, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221647/tab-related-content).
Les chutes sont la principale cause de fracture chez les personnes âgées adultes au Canada9. Parce que les recommandations détaillées en matière de prévention des chutes dépassent le champ d’application des présentes lignes directrices, nous invitons les lectrices et lecteurs à s’adresser au Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs pour obtenir des informations sur la prévention des chutes10. De plus, des recommandations propres à la prévention des fractures chez les personnes admises en soins de longue durée ont déjà été publiées11.
Recommandations
Nous avons formulé 25 recommandations et 10 énoncés de bonne pratique en adoptant l’approche GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluation) (tableau 1). Ces recommandations sont divisées en sections : activité physique, alimentation, évaluation du risque de fracture, instauration du traitement, interventions pharmacologiques, durée et séquence du traitement, et monitorage12,13.
La figure 1 présente l’approche intégrée en matière de promotion de la santé osseuse et de prévention des fractures chez les femmes ménopausées et les hommes âgés de 50 ans et plus, alors que la figure 2 présente une approche de pharmacothérapie, lorsque c’est nécessaire. L’annexe 2 (accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221647/tab-related-content) fournit des tableaux de données probantes à l’appui des décisions (p. 50 et suivantes) justifiant l’attribution de la force des recommandations et le degré de certitude des données.
Dans le processus de décision, nous avons tenu compte du degré de certitude des données ainsi que de l’effet des bénéfices et des risques des interventions sur les résultats cliniques. Les hommes sont faiblement représentés dans les données cliniques en ce qui concerne certains résultats et certaines interventions; lorsque cela était pertinent, nous avons donc modulé la force des recommandations selon le sexe en fonction du degré de certitude des données. L’ensemble des recommandations et des énoncés de bonne pratique se fonde sur la contribution des médecins de première ligne et des patientes et patients partenaires et tient compte de leurs valeurs et préférences. Bien que nous n’ayons pas réalisé d’analyses coût–efficacité, nous avons tout de même inclus, lorsqu’elles étaient disponibles, certaines informations sur les rapports coût–efficacité dans l’élaboration des recommandations ainsi que les sources pertinentes dans les tableaux de données probantes à l’appui des décisions appropriés14–16.
Chez les adultes de plus de 40 ans, l’ostéoporose peut mener à des fractures. Souvent appelées fractures de fragilisation ou fractures ostéoporotiques, elles surviennent à la suite d’une chute depuis la position debout ou lorsqu’une force appliquée sur l’os est jugée insuffisante pour fracturer un os normal17. Sont classées comme des fractures ostéoporotiques majeures les fractures de la hanche, de vertèbres, de l’humérus et de l’avant-bras distal. À l’inverse, sont considérées comme des fractures non ostéoporotiques les fractures de la main, du pied et des os craniofaciaux1. Les fractures vertébrales, symptomatiques ou non, sont associées à un risque accru de fractures à tous les sites osseux et peuvent être détectées ou confirmées par des radiographies18,19.
Activité physique
Les recommandations en matière d’activité physique dans une optique de prévention des chutes et des fractures chez les femmes ménopausées et les hommes de 50 ans et plus se trouvent au tableau 2 (voir aussi l’annexe 1, tableau supplémentaire 1, pour connaître les définitions et les principaux points à retenir sur l’activité physique). Les tableaux de données probantes à l’appui des décisions se trouvent à l’annexe 2 (p. 50).
Des données probantes de grande qualité provenant d’une revue systématique de Cochrane démontrent que l’entraînement fonctionnel et de l’équilibre chez les adultes âgés de 50 ans ou plus peut réduire le nombre de chutes (ratio des taux 0,76; intervalle de confiance [IC] de 95 % 0,70–0,80; 41 études, 7290 personnes; données probantes de forte certitude) ainsi que le nombre de personnes qui font des chutes (ratio des taux 0,87; IC de 95 % 0,82–0,91; 38 études, 8288 personnes; données probantes de forte certitude). Selon certaines données, l’entraînement fonctionnel et de l’équilibre pourrait réduire le nombre de fractures consécutives à une chute (ratio des taux 0,44; IC de 95 % 0,25–0,76; 7 études, 2139 personnes; données de faible certitude), et pourrait améliorer la qualité de vie (différence moyenne 2,48 points, IC de 95 % 1,31–3,64; 8 études, 854 personnes; données de faible certitude) et la capacité physique fonctionnelle20.
Une revue systématique d’essais cliniques randomisés (ECR) semble indiquer que l’entraînement contre résistance pourrait améliorer la qualité de vie (différence moyenne standardisée 0,75; IC de 95 % 0,54–0,95; 8 études, 421 personnes; données de moyenne certitude), la capacité physique fonctionnelle et la densité minérale osseuse (DMO), en plus de réduire la mortalité21. Associé à l’entraînement fonctionnel et de l’équilibre chez les adultes âgés, l’entraînement contre résistance peut contribuer à réduire le nombre de chutes et le nombre de personnes qui font des chutes.
Les données d’une revue systématique d’ECR démontrent que, chez les personnes atteintes d’hypercyphose, les exercices qui ciblent les muscles abdominaux et extenseurs du dos et ceux des épaules pourraient mener à une légère amélioration de la courbure rachidienne, de la qualité de vie, de la capacité physique fonctionnelle et de la force des extenseurs du dos22; toutefois, dans le cas de cyphose structurale (p. ex., résultant d’une fracture vertébrale), ces exercices pourraient n’avoir aucun effet sur la courbure rachidienne.
Des études d’observation donnent à penser que la marche peut réduire la mortalité chez les adultes âgés23, mais ses effets sur les fractures, les chutes, la qualité de vie, la capacité physique fonctionnelle ou les blessures sur les personnes ayant un risque de fracture sont inconnus ou incertains24. Une revue systématique laisse entendre que les exercices d’impact pourraient améliorer la DMO et la capacité physique fonctionnelle, et réduire la mortalité25, mais les bienfaits de ce type d’exercices seul sont incertains, parce qu’ils sont souvent associés à un entraînement contre résistance ou à d’autres activités.
Nous avons mené une revue systématique sur les effets du yoga et des exercices Pilates sur des issues liés à la santé, et avons découvert que ce type d’activité physique pouvait améliorer la capacité physique fonctionnelle et la qualité de vie chez les adultes âgés, mais leurs effets sur la DMO, les chutes et les fractures sont incertains, et les données probantes chez les personnes ayant un risque de fracture sont peu nombreuses.
Les hommes étaient sous-représentés dans les ensembles de données pour certains des résultats des exercices. Nous avons choisi de ne pas diminuer la force des données probantes pour cause de caractère indirect dans leur application aux hommes parce qu’il n’y avait pas de raison de s’attendre à ce que la direction ou l’ampleur des effets sur les chutes, les fractures, la capacité physique fonctionnelle, la qualité de vie ou les événements indésirables soient différentes dans cette population.
Alimentation
Le tableau 2 présente une synthèse des recommandations en matière d’alimentation pour les femmes ménopausées et les hommes âgés de 50 ans et plus qui visent à prévenir les chutes et les fractures (annexe 1, tableau supplémentaire 2 : principaux points à retenir sur l’alimentation). Les tableaux de données probantes à l’appui des décisions se trouvent à l’annexe 2 (p. 114).
Chez les personnes qui suivent un régime alimentaire équilibré (https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/guide-alimentaire-en-bref/) et qui ne prennent pas de médicaments contre l’ostéoporose, des suppléments de calcium, de vitamine D et de protéines sont susceptibles de n’avoir que peu ou pas d’effets, bons ou mauvais, sur les fractures (annexe 1, tableau supplémentaire 2). Dans des revues systématiques et des études récentes, menées sur la supplémentation en calcium et en vitamine D, principalement chez des personnes ne prenant pas de médicaments contre l’ostéoporose et sans carence nutritionnelle connue, les suppléments étaient associés à de bénéfices minimes sur la réduction des fractures, quel qu’en soit le site osseux26,27. On a observé des diminutions minimales des chutes lorsqu’il y avait prise de suppléments de vitamine D, seuls ou en association avec du calcium27,28. Les données probantes sur l’effet des suppléments de magnésium et de vitamine K sur la santé osseuse sont peu nombreuses (annexe 2, p. 161).
La réduction du taux de fracture de la hanche par la prise de suppléments de protéines pourrait être minime29,30. Les données probantes sont incertaines, car les études portaient sur l’évaluation de l’apport de protéines associé au régime alimentaire et non à la prise de suppléments, souvent égaux ou supérieurs aux recommandations (0,8–1,3 g de protéines/kg de poids corporel/j) chez des personnes ayant une bonne alimentation. On ne sait pas si la source de protéines a un effet sur la santé osseuse, car la plupart des participants consommaient peu de protéines d’origine végétale. Les effets d’un régime riche en protéines sur les résultats fonctionnels étaient minimes31.
Évaluation du risque de fracture
Le tableau 3 présente les recommandations en matière d’évaluation du risque de fracture; les tableaux de données probantes à l’appui des décisions correspondants sont à l’annexe 2 (p. 182). La figure 1 montre l’application clinique de ces recommandations.
Nous suggérons une approche d’évaluation fondée sur l’âge et la présence de facteurs de risque cliniques (une approche dite ciblée) dans le but de repérer les personnes qui devraient se soumettre à une mesure de la DMO (données de faible certitude chez les femmes ménopausées de 50–64 ans; données de moyenne certitude chez les femmes âgées de 65 ans ou plus32–34; données de très faible certitude chez les hommes14,32,35). Chez la plupart des gens, cette stratégie permet un report du début de la mesure de la DMO à l’âge de 70 ans et une catégorisation appropriée des personnes ayant un haut risque de fracture établi à l’aide d’outils d’évaluation du risque de fracture disponibles au Canada32. Les patientes et patients partenaires ont exprimé un fort besoin d’orientation pour le dépistage tant des femmes que des hommes en vue d’une mesure appropriée de la DMO établie en fonction de la présence de facteurs de risque cliniques.
Au Canada, le FRAX et le CAROC sont 2 des principaux outils d’évaluation du risque sur 10 ans de fracture ostéoporotique majeure, validés. L’outil FRAX est aussi efficace, voire légèrement plus, que les autres outils36, et mène à une meilleure classification du risque de fracture que le CAROC (amélioration nette de la reclassification : catégorie de risque, 2 %; recommandation relative au traitement, 1 %)37. Nous suggérons d’utiliser de préférence l’outil canadien FRAX pour l’estimation du risque de fracture; cependant, cette recommandation est conditionnelle, en raison de la certitude modérée des données probantes et de leur caractère indirect chez les hommes37.
Instauration du traitement
Le tableau 3 liste les recommandations en matière d’instauration de traitement; les tableaux de données probantes à l’appui des décisions correspondants sont à l’annexe 2 (p. 190 et 314).
Il n’existe pas de consensus sur ce que serait l’approche optimale visant à déterminer un seuil de traitement38. En établissant des seuils pour débuter la pharmacothérapie, nous avons considéré le fardeau des fractures dans la population canadienne, les liens entre les issues des fractures et le risque initial de fracture, l’efficacité du traitement pharmacologique, l’importance du dépistage des personnes présentant un haut risque de fracture pour prévenir la plupart des fractures et l’importance de limiter le surtraitement chez les personnes ayant un faible risque, du point de vue de la population et de la patientèle38.
Des antécédents de fracture vertébrale (diagnostiquée ou constatée par imagerie) ou de la hanche et la survenue de plus d’une fracture sont des indicateurs de risque élevé de fracture8. Des essais cliniques randomisés fournissent des données probantes de certitude modérée ou élevée qui démontrent d’importants bienfaits en matière de réduction des fractures associés au traitement pharmacologique chez les personnes souffrant d’ostéoporose (score T ≤ −2,5 ou antécédents de fracture) ainsi qu’une réduction d’environ 50 % du risque de fracture vertébrale, de 30 % du risque de fracture de la hanche et de 20 % du risque de fracture non vertébrale après 3 ans de traitement39–41. En outre, compte tenu des données d’observation provenant d’un vaste registre clinique, nous avons aussi établi comme recommandation conditionnelle un seuil d’intervention de 20 % pour un risque sur 10 ans de fracture majeure (mesuré à l’aide de l’outil FRAX ou CAROC), car cette stratégie a fait ses preuves en ce qui a trait au nombre de fractures prévenues chez les femmes âgées de 50 ans et plus et au nombre de femmes traitées (pour limiter le surtraitement)38. Nous n’avons pas diminué le degré de certitude des données probantes chez les hommes; en effet, ces données semblent indiquer qu’il n’y a pas de différence dans les avantages et les risques liés au traitement en fonction du sexe39,41–44.
Les services de liaison pour fractures (https://fls.osteoporosis.ca/fr/), qui fournissent actuellement dans quelques régions canadiennes des services d’investigation et de mise en route des traitements après une fracture, favorisent une utilisation appropriée de l’évaluation du risque de fracture et des traitements contre les fractures, en plus d’offrir un bon rapport coût–efficacité45. Nous recommandons que les femmes ménopausées et les hommes âgés de 50 ans et plus ayant subi récemment une fracture aient accès à un service de liaison pour fractures pour améliorer le dépistage de l’ostéoporose et l’instauration d’un traitement contre la maladie.
Interventions pharmacologiques
Le tableau 4 présente les recommandations en matière de pharmacothérapie chez les personnes qui commencent un traitement (renseignements supplémentaires au tableau 5); un algorithme d’application clinique est présenté à la figure 2. Les tableaux de données probantes à l’appui des décisions se trouvent à l’annexe 2 (p. 323).
Les traitements pharmacologiques se composent de médicaments antirésorptifs, qui inhibent l’activité ostéoclastique, et de médicaments anabolisants, qui stimulent la formation de nouvelle masse osseuse. Parmi les médicaments antirésorptifs, on trouve les bisphosphonates (alendronate, risédronate, acide zolédronique), le dénosumab, le raloxifène et l’hormonothérapie substitutive; parmi les agents anaboliques, citons le tériparatide et le romosozumab (tableau 5).
Les données probantes sur les effets des médicaments étaient de certitude modérée ou élevée39. Bien que la plupart des études aient été menées chez des femmes ménopausées, les données concernant les hommes atteints d’ostéoporose primaire ou d’ostéoporose consécutive à l’hypogonadisme démontrent des effets sur les fractures semblables à ceux observés chez les femmes qui prennent des bisphosphonates et du dénosumab; aussi avons-nous appliqué aux hommes les résultats découlant des données probantes recueillies chez les femmes, et nous avons indiqué une certitude modérée en raison du caractère quelque peu indirect des données39,41,42.
De manière générale, la prise de bisphosphonates pendant 3 ans permet une réduction de 20–30 fractures vertébrales, de 10 fractures non vertébrales et de 3 fractures de la hanche pour 1000 personnes, comparativement à l’absence de traitement39,41. Par rapport au placébo, il ne semble y avoir que très peu d’effets indésirables à court terme (≤ 3 ans) de la prise orale de bisphosphonates, qui peut entraîner des troubles digestifs comme l’œsophagite et des ulcères (différence de < 1 %), et de la perfusion d’acide zolédronique, qui peut entraîner des symptômes pseudogrippaux passagers; par ailleurs, des données très incertaines indiqueraient un risque accru de fibrillation auriculaire43. Les avantages du dénosumab sont semblables à ceux de l’acide zolédronique39, mais le médicament produirait davantage d’effets indésirables : augmentation de 7 % du risque d’événement grave (p. ex., infections menant à l’hospitalisation) par rapport au placébo47, et augmentation du risque de 14 % et de 7 % par rapport à l’alendronate et à l’acide zolédronique, respectivement15. L’administration différée des doses ou l’arrêt du dénosumab sont associés à une perte osseuse rapide et pourraient mener à des fractures vertébrales52.
Chez les femmes ayant un risque élevé de fracture (p. ex., sévère fracture vertébrale récente, ou plus d’une fracture vertébrale et un score T ≤ −2,5)53, des données probantes de certitude élevée indiquent que les agents anaboliques (tériparatide ou romosozumab) peuvent davantage réduire les fractures vertébrales et non vertébrales et les fractures de la hanche que les bisphosphonates (réduction de 35, 18 et 5 événements pour 1000 personnes, respectivement)39,43. Chez les hommes, on ne dispose que de données indirectes, qui sont par conséquent de certitude modérée. L’arrêt d’un traitement anabolique sans prise subséquente d’un médicament antirésorptif augmente le risque de perte des gains de la densité osseuse54,55. Chez la plupart des gens, les inconvénients associés au tériparatide, au romosozumab ou au dénosumab (comme la fréquence d’injection, les risques associés à l’arrêt du traitement, la nécessité d’un médicament de transition à l’arrêt du traitement et les coûts) sont probablement plus importants que les avantages, comparativement aux bisphosphonates56. Toutefois, chez les personnes ayant un risque élevé de fractures, les avantages pourraient l’emporter.
Durée et séquence du traitement
Le tableau 6 liste les recommandations en matière de durée et de séquence de traitement. Les tableaux de données probantes à l’appui des décisions se trouvent à l’annexe 2 (p. 330).
La prise orale de bisphosphonates pendant 5 ans ou plus (p. ex., 10 ans dans l’étude de prolongation sur l’alendronate57), comparativement à des périodes d’utilisation plus courtes, ne se traduit probablement pas par une diminution du nombre de fractures de la hanche ou le nombre total de fractures, mais permet une réduction faible ou modérée du nombre de fractures vertébrales diagnostiquées cliniquement (22 de moins pour 1000) et observées à la radiographie (17 de moins pour 1000)43,58. La prise annuelle d’acide zolédronique pendant 6 ans, comparativement à la prise annuelle pendant 3 ans, ne se traduit probablement pas par une diminution du nombre de fractures de la hanche et de fractures non vertébrales, mais pourrait réduire considérablement le nombre de fractures vertébrales confirmées à la radiographie, bien que les données probantes soient incertaines (56 de moins pour 1000, de 88 à 5 de moins)48.
Dans le cas des bisphosphonates, les effets indésirables pourraient s’accentuer avec le temps : après 6 ans, on dénombrait de 39–131 fractures fémorales atypiques (fracture de stress ou d’insuffisance se produisant sur la diaphyse du fémur) pour 100 000 personnes-années, comparativement à 25 pour la prise du médicament pendant 3–5 ans, et on notait un risque plus élevé chez les femmes se considérant comme asiatiques49; le risque d’ostéonécrose de la mâchoire (problème de santé qui entraîne la nécrose d’au moins une portion de l’os de la mâchoire, qui devient exposée dans la cavité orale) est de 25 pour 100000 personnesannées, et passe environ au double lorsque l’utilisation du médicament dépasse 5 ans50. Après 6 ans d’utilisation, les inconvénients du traitement continu sont donc susceptibles de dépasser les avantages, sauf chez les personnes qui ont un risque élevé de fracture (p. ex., antécédents de fracture de la hanche ou de fracture vertébrale, fracture récente, fractures multiples).
Les données probantes semblent indiquer que les avantages du dénosumab ne diminuent pas après 10 ans d’utilisation, et que l’incidence des fractures fémorales atypiques et d’ostéonécrose de la mâchoire est relativement stable à 8 et 52 pour 100 000 personnes-années, respectivement51. On manque de données comparatives sur les effets d’un médicament pris de façon continue ou en alternance en cas de réaction inadéquate au traitement aux bisphosphonates (p. ex., diminution importante de la DMO59–62).
Monitorage
Le tableau 7 présente les recommandations en matière de monitorage chez la patientèle qui commence un traitement pharmacologique ou qui cesse la prise de bisphosphonates. Les tableaux de données probantes à l’appui des décisions se trouvent à l’annexe 2 (p. 249).
Des données probantes directes de très faible degré de certitude et des données probantes indirectes de degré de certitude élevée chez les femmes et les hommes indiquent une possible diminution du risque de fracture chez les personnes qui s’étaient soumises à une mesure de la DMO environ 3 ans après le début d’un traitement63,64. Les marqueurs du remodelage osseux permettent de mesurer le processus de remodelage osseux (p. ex., télopeptide C-terminal du collagène de type I pour mesurer la résorption osseuse, phosphatase alcaline osseuse pour mesurer la formation osseuse)65. Des données existantes, mais inadéquates, indiquent que l’utilisation clinique des marqueurs du remodelage osseux pourrait être efficace pour réduire le risque de fracture ou pour prédire les fractures chez les personnes qui sont en arrêt de traitement par les bisphosphonates66.
Méthodes
Le présent guide a été élaboré par les bénévoles du groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada dans le but de répertorier les avancées en matière d’évaluation du risque de fracture et de prise en charge non pharmacologique et pharmacologique de l’ostéoporose depuis la publication des lignes directrices de 2010 par Ostéoporose Canada8. Nous avons utilisé l’approche GRADE13 et appliqué un processus d’assurance de la qualité conforme aux normes de qualité et de présentation des rapports de la grille AGREE II (Appraisal of Guidelines for Research & Evaluation)67. Les travaux ont commencé en juin 2017 et se sont terminés en novembre 2022.
Composition du comité de rédaction des lignes directrices
Le groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada était constitué d’un comité directeur (composé de S.N.M., S.K., N.S., S.F., L.G., W.W., H.M.-B. [membre d’office] et L.F.) formé par le conseil consultatif scientifique d’Ostéoporose Canada, d’un comité de surveillance des conflits d’intérêts (H.M.-B., L.F. et R.R.), de 4 groupes de travail (présidence : activité physique [L.G.]; alimentation [W.W.]; évaluation du risque de fracture [S.F.]; pharmacothérapie [S.K. et N.S.]) et d’un comité d’application des connaissances. Des médecins de première ligne et 5 patientes et patients partenaires étaient représentés au comité directeur et faisaient partie des groupes de travail, afin de garantir la pertinence des informations pour les utilisateurs et utilisatrices cibles. Une méthodologiste (N.S.) possédant une expertise en matière d’élaboration de lignes directrices et de l’approche GRADE faisait aussi partie du comité directeur et du groupe de travail sur la pharmacothérapie, et a travaillé en consultation avec les autres groupes de travail.
Le comité directeur était responsable de l’organisation des processus, de l’établissement des priorités, du recrutement des membres des groupes de travail, de la surveillance des activités de ces groupes et de la préparation du matériel en vue de la publication. Nous avons appliqué les principes d’équité, de diversité et d’inclusion dans le processus de recrutement des membres des groupes de travail, et avons assuré une juste représentation selon le sexe, l’âge, l’expertise (p. ex., médecins, pharmaciennes et pharmaciens, physiothérapeutes, nutritionnistes, patientes et patients partenaires) et l’emplacement au Canada. Les présidentes et présidents des groupes de travail avaient pour tâche de recruter les membres de leur groupe, avec l’appui du comité directeur. Nous avons recruté les patientes et patients partenaires de façon à assurer une représentativité géographique par l’intermédiaire du Réseau canadien des personnes atteintes d’ostéoporose (RCPO), le volet d’Ostéoporose Canada pour les patients, qui couvre tout le pays (https://osteoporosecanada.ca/le-rcpo-le-volet-dosteoporose-canada-dedie-aux-patients/).
Sélection des thèmes prioritaires
Nous avons établi les grandes priorités et sélectionné toutes les questions de recherche au moyen de sondages réalisés chez plus de 1000 patientes et patients partenaires68 et médecins de première ligne, et à l’aide de témoignages directs de personnes ayant une expérience vécue de l’ostéoporose, de médecins de première ligne et de spécialistes de la santé osseuse, recueillis à la première rencontre en personne (2 juin 2017; 35 personnes). Chaque groupe de travail a formulé des questions au moyen du modèle PICO (population, intervention, comparaison et résultat [outcome]), questions révisées par le comité directeur (annexe 2, Questions, p. 22).
Les paramètres d’intérêt étaient les fractures de la hanche, les fractures vertébrales, toutes les fractures, la mortalité liée aux fractures, la capacité physique fonctionnelle et les incapacités, la qualité de vie et le bien-être et les risques comme les événements indésirables associés aux médicaments, notamment les fractures fémorales atypiques et l’ostéonécrose de la mâchoire68. Le groupe de travail sur l’activité physique a aussi tenu compte des chutes. Nous avons convenu par consensus de la variation du risque absolu qui serait considérée comme cliniquement importante par la patientèle et les professionnelles et professionnels de la santé, selon les résultats (annexe 2, Paramètres d’intérêt, p. 20).
Recherche documentaire et évaluation de la qualité
Nous avons mené des recherches documentaires (annexe 2, Stratégies de recherche, p. 27), d’abord pour trouver des revues systématiques d’ECR récentes. En l’absence de nouvelles données, nous avons effectué nous-mêmes une revue systématique de la littérature primaire (d’abord des ECR, puis, à défaut de documents, des études observationnelles)21,22,24,25,69,70. Chaque groupe de travail avait l’appui stratégique d’une ou d’un bibliothécaire de recherche. L’élaboration de certaines des recommandations s’est appuyée sur les résultats d’analyse d’un vaste registre observationnel de cohortes canadiennes (Manitoba Bone Mineral Density)32,38. Nous avons recherché des revues systématiques sur les valeurs et les préférences de la patientèle. Enfin, lorsque des données probantes n’étaient pas disponibles ou qu’elles étaient de très faible qualité, nous avons tenu compte des données indirectes.
Les recherches systématiques les plus récentes remontaient à octobre 2020; chaque groupe de travail a sondé les publications existantes pour y trouver des ECR pertinents jusqu’à l’automne 2022 (ou la publication des revues systématiques, pour le groupe de travail sur l’activité physique). Nous avons vérifié si des articles avaient été retirés des résultats des recherches (annexe 2, Groupe de travail sur la pharmacothérapie, p. 49). Chaque groupe de travail a fait une synthèse des données probantes, a déterminé s’il y avait ou non présence de biais et a élaboré des tableaux de données probantes à l’appui des décisions (annexe 2, Tableaux de données probantes à l’appui des décisions, p. 50).
Élaboration des recommandations
Après l’élaboration des tableaux de données probantes à l’appui des décisions, chaque groupe de travail a formulé les recommandations à l’aide de l’approche GRADE13. Chaque groupe de travail a fondé ses décisions sur les avantages et les risques, les valeurs et préférences de la patientèle, les ressources, l’équité, l’acceptabilité et la faisabilité, et a présenté ses premiers travaux à une rencontre en personne (15 novembre 2019; 28 personnes). Les premières décisions sur les recommandations se sont prises séparément, dans chaque groupe de travail, par vote (par courriel ou avec le logiciel GRADEpro [https://gradepro.org]) ou par consensus, selon la taille et la composition des groupes.
La force de chaque recommandation a été classée selon le système GRADE, soit forte (« Nous recommandons… ») ou conditionnelle (« Nous suggérons… ») (tableau 1). Certaines recommandations répondaient aux critères du groupe de travail GRADE en ce qui concerne les énoncés de bonne pratique, et le groupe des lignes directrices a convenu que les retombées de la mise en œuvre des énoncés de bonne pratique seraient largement favorables (malgré l’existence de données probantes indirectes à l’appui) et qu’il n’était plus nécessaire de procéder à d’autres collectes et synthèses de données12. Les recommandations et les énoncés de bonne pratique de chaque groupe de travail ont été révisés et approuvés par le comité directeur, puis par l’ensemble du groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada.
Examen externe
Les parties prenantes concernées (annexe 2, Parties prenantes, p. 18), déterminées par le comité directeur, ont fourni une rétroaction en octobre 2022 sur la question de la clarté et de l’utilité clinique des recommandations. Chaque groupe de travail a examiné la rétroaction sur les recommandations qu’il avait élaborées; le comité directeur a ensuite passé en revue les changements proposés et les a intégrés aux lignes directrices le cas échéant, qui ont ensuite été examinées et approuvées par le groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada.
Gestion des intérêts concurrents
Le processus de gestion des intérêts concurrents a été entamé avant l’élaboration des lignes directrices et s’est poursuivi sur toute sa durée, conformément aux principes du Réseau international en matière de lignes directrices et sous le contrôle du comité de surveillance des conflits d’intérêts (annexe 2, Conflits d’intérêts, p. 6)71. Les présidentes et présidents ainsi qu’au moins la moitié des membres des groupes de travail ont dû démontrer qu’ils étaient libres de tout intérêt financier concurrent pendant le processus d’élaboration des lignes directrices. Les membres ayant des intérêts financiers concurrents ont été exclus des étapes de formulation et de vote des recommandations. Les intérêts concurrents étaient évalués par l’intermédiaire d’une divulgation annuelle par courriel (annexe 2, Modèle de divulgation annuelle des conflits d’intérêts, p. 12) au comité de surveillance des conflits d’intérêts et par des mises à jour verbales, le cas échéant, aux présidents et présidents respectifs des groupes de travail à chacune des réunions.
Les Instituts de recherche en santé du Canada (programme de Subventions de planification et dissémination 2017) et Ostéoporose Canada ont assuré le financement de l’exercice. Organisation axée sur la patientèle, Ostéoporose Canada agit aux niveaux personnel, communautaire et gouvernemental par ses efforts de soutien, de formation et de promotion relatifs à la santé osseuse, à la réduction du risque de fracture et aux stratégies de prise en charge de l’ostéoporose. Elle reçoit environ 8 % de son financement de la part d’entreprises et de fondations (notamment du secteur pharmaceutique et de groupes d’intérêt) et le reste de sources gouvernementales (68,5 %), de particuliers (23 %) et d’autres groupes (0,5 %) (https://osteoporosecanada.ca/notre-impact/).
Nous avons assuré la gestion des conflits d’intérêts des bailleurs de fonds en maintenant notre indépendance devant la direction et les membres du personnel d’Ostéoporose Canada, qui ne siégeaient à aucun des comités ou groupes de travail. Les bailleurs de fonds ne pouvaient communiquer directement avec l’un ou l’autre des membres du comité directeur ou des groupes de travail. Le point de vue des organismes subventionnaires n’a influé ni sur le processus ni sur le contenu des recommandations des présentes lignes directrices. Le financement a permis d’assurer le soutien des bibliothécaires de recherche par l’intermédiaire de Cochrane Canada et de la méthodologiste de GRADE à l’Université McMaster par des mécanismes prescrits par l’établissement.
Mise en œuvre
Nous élaborons des outils de transfert des connaissances pour aider la patientèle et les professionnelles et professionnels de la santé dans leurs discussions sur l’activité physique, l’alimentation, le risque de fracture et le traitement de l’ostéoporose, notamment une application mobile numérique gratuite fournissant les points d’intervention et des ressources pédagogiques (https://osteoporosecanada.ca/). Nous assurerons la diffusion en temps opportun des outils et du contenu des lignes directrices par l’intermédiaire du site Web et du réseau d’Ostéoporose Canada, de balados et d’initiatives au sein de la patientèle et des prestataires de soins primaires. Ostéoporose Canada suivra de près les téléchargements de l’application numérique, l’achalandage sur son site Web, l’outil canadien FRAX et la mise en œuvre des recommandations contenues dans les lignes directrices dans les services de liaison pour fractures de partout au Canada.
Les mises à jour seront publiées sous forme d’énoncés d’orientation structurés, évalués par les pairs, à mesure que se dégageront des études de nouvelles données pertinentes en matière d’évaluation et de prise en charge de l’ostéoporose.
Autres lignes directrices
Les changements apportés aux lignes directrices de 2010 d’Ostéoporose Canada8 comprennent le recours à la méthode GRADE dans l’élaboration des recommandations, l’ajout de recommandations élargies sur l’activité physique et les types d’exercices à privilégier et des conseils sur les nutriments bénéfiques autres que le calcium et la vitamine D. Nous fournissons aussi des directives plus claires sur les seuils d’instauration du traitement, la durée du traitement et le monitorage.
Fondées sur les données probantes tirées d’une revue systématique d’ECR, les lignes directrices du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs contiennent, dans leurs recommandations, une évaluation du risque — par un premier dépistage de prévention primaire des fractures de fragilisation chez les femmes âgées de 65 ans et plus par une première utilisation de l’outil FRAX sans DMO72. Il est déconseillé d’effectuer un dépistage chez les femmes plus jeunes et les hommes de tous les âges. Notons que les recommandations du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs s’appliquent aux personnes vivant dans la collectivité qui ne prennent pas de médicaments antiostéoporotiques.
Le groupe de travail des services préventifs des États-Unis a recueilli des données probantes confirmant l’exactitude de la mesure de la DMO et des outils d’évaluation du risque de fracture pour déterminer le risque de fracture ostéoporotique, et a conclu que les traitements pharmacologiques permettaient de réduire les taux de fractures chez les femmes ménopausées73. L’organisme américain Bone Health and Osteoporosis Foundation adopte une approche de dépistage semblable à celle proposée dans la présente actualisation (c.-à-d., dépistage des femmes ménopausées et des hommes âgés de 50 ans et plus ayant des antécédents de fracture ou des facteurs de risque clinique) et recommande la pharmacothérapie dès l’occurrence de l’une ou l’autre des situations suivantes : fracture de vertèbres ou de la hanche; fracture de l’humérus, du bassin ou de l’avant-bras distal avec perte de masse osseuse; score T de DMO ≤ −2,5; faible masse osseuse et probabilité de ≥ 3 % de fracture de la hanche sur 10 ans selon l’outil américain FRAX ou de ≥ 20 % d’une fracture ostéoporotique majeure74. Quant à l’organisme United Kingdom National Osteoporosis Guidelines Group, il utilise un processus de dépistage en 2 temps pour repérer les personnes présentant un risque élevé de fracture, qui comprend des seuils d’intervention pharmacologique liés à l’âge75. Dans la plupart des lignes directrices cliniques, il est recommandé de procéder à l’évaluation du risque de fracture vertébrale chez les personnes ayant des facteurs de risque particuliers74,76.
Des lignes directrices récentes, comme celles du Collège des médecins des États-Unis, de la Bone Health and Osteoporosis Foundation et de l’United Kingdom National Osteoporosis Guidelines Group, contiennent des recommandations sur la prise de bisphosphonates en traitement de première intention chez les femmes ménopausées et les hommes atteints d’ostéoporose; le dénosumab et les agents anaboliques sont principalement suggérés en traitement de deuxième intention chez les personnes ayant des intolérances ou des contre-indications ou présentant un risque élevé de fracture44,74,75,77. De plus, on recommande, dans ces lignes directrices, un apport adéquat en calcium et en vitamine D et de l’activité physique pour réduire les chutes et le nombre de fractures.
Connaissances à parfaire
Davantage de données sont nécessaires pour orienter la prise en charge de l’ostéoporose chez les hommes et pour optimiser le dépistage chez les personnes plus jeunes (âge 50–64 ans) afin de réduire le risque de fracture. Les outils FRAX et CAROC n’ont pas été validés chez les personnes transgenres et les personnes de genre non conforme. Les habitudes alimentaires et la détermination de la quantité optimale de protéines provenant de l’alimentation dans une optique de prévention des fractures sont des champs nécessitant plus de recherches. Il faudrait aussi approfondir les questions de la durée de la pharmacothérapie, de l’interruption des bisphosphonates et de la séquence des traitements, particulièrement chez les personnes chez qui persiste un risque élevé de fracture.
Limites
Nous n’avons pas pu inclure dans ces lignes directrices certains sujets de grande pertinence en matière de santé osseuse, comme la prévention des chutes ou le dépistage de la fragilité. Nous savons aussi que les prestataires de soins primaires doivent aussi parfois traiter des personnes qui ont des causes secondaires d’ostéoporose et plusieurs affections concomitantes. Toutefois, nous avons convenu que ces situations, demandant des expertises additionnelles, sortaient du champ d’application des présentes lignes directrices, et nous recommandons donc, le cas échéant et dans la mesure du possible, de consulter des spécialistes de la question.
Bien que nous n’ayons pas actualisé les recherches documentaires de façon continue (à la manière de lignes directrices évolutives), nous avons pris connaissance de tout nouvel essai ou essai pivot avant leur publication. Dans certaines recommandations, nous avons utilisé des données probantes indirectes pour appuyer nos directives (p. ex., dépistage, traitement et monitorage chez les hommes). De plus, nous avons formulé les recommandations par consensus, d’après l’ampleur des effets sur les fractures et les risques jugés cliniquement importants a priori. Nous considérons que le groupe de lignes directrices était représentatif et qu’il reflétait les valeurs importantes des personnes ayant un risque de fracture.
Conclusion
Ces lignes directrices visent à outiller les professionnelles et professionnels de la santé et la patientèle afin qu’ensemble ils puissent parler de l’importance de la santé osseuse et du risque de fracture chez les personnes âgées. La détection et la prise en charge appropriée de la fragilité osseuse dans la population canadienne peuvent contribuer à réduire les fractures et à préserver la mobilité, l’autonomie et la qualité de vie dans cette population.
Remerciements
Les auteurs remercient l’équipe de soutien pour son dévouement au projet de ligne directrice et reconnaissent ses contributions. Groupe de travail sur l’évaluation du risque de fracture : Hajar Abu Alrob, Arnav Agarwal, Lindsie Blencowe, Marija Djekic-Ivankovic et Jeevitha Srighanthan. Groupe de travail sur l’activité physique : Zachary Fielding, Seyedeh Zeinab Hosseini, Kawon Victoria Kim et Emily McLaughlin. Groupe de travail sur l’alimentation : Ina Ilse. Groupe de travail sur la pharmacothérapie : Lindsay Wong. Agente de liaison du projet : Kerry Grady (Ostéoporose Canada). Bibliothécaires recherchistes : Yuhong Yuan (Université McMaster) et Jackie Stapleton (Université de Waterloo). Les auteurs remercient les réviseures et réviseurs ainsi que les parties prenantes externes (cités à l’annexe 2, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221647/tab-related-content) pour leurs contributions à la ligne directrice.
Footnotes
Intérêts concurrents : Lora Giangregorio déclare avoir reçu des honoraires d’Amgen Inc. pour une conférence donnée sur l’exercice physique, hors du cadre du présent manuscrit, sans mention de médicaments. La Dre Giangregorio est également membre du conseil consultatif scientifique d’Ostéoporose Canada et coresponsable du Groupe d’intérêt spécial sur la fracture vertébrale du Fragility Fracture Network. Sandra Kim déclare qu’Ostéoporose Canada lui a offert le soutien d’une personne spécialiste de la méthodologie GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluations) à l’Université McMaster au cours de l’étude. De 2017 à 2020, la Dre Kim a aussi été membre bénévole du conseil d’administration d’Ostéoporose Canada. Nancy Santesso déclare avoir reçu une rémunération versée à son établissement (Université McMaster) afin d’apporter son expertise de l’outil GRADE à l’élaboration des lignes directrices et à la préparation de contenus au cours de l’étude. La Dre Santesso a aussi reçu du soutien d’Ostéoporose Canada pour se rendre aux réunions sur les lignes directrices. Heather McDonald-Blumer déclare avoir reçu des honoraires de consultation d’Eli Lilly et de Novartis pour sa présence à des conseils consultatifs, sans lien avec les présents travaux. Rowena Ridout est membre du conseil d’administration d’Ostéoporose Canada depuis 2020 (aucune rémunération perçue). Neil Binkley déclare avoir reçu une subvention de recherche (versée à son établissement) de Radius, ainsi que des frais de consultation et des honoraires d’Amgen. Angela Cheung a reçu des honoraires d’Amgen et des Laboratoires Paladin à titre de consultante. La Dre Cheung a aussi été membre du comité des lignes directrices cliniques de l’Endocrine Society, coprésidente du programme de santé postménopause de l’American College of Obstetrics and Gynecology et vice-présidente et coresponsable de la Conférence de prise de position 2023 de la Société internationale de densitométrie clinique. Robert Josse déclare avoir reçu des frais de consultation d’Amgen Canada, des Laboratoires Paladin et d’Alexion, ainsi que des honoraires d’Amgen et d’Alexion. Le Dr Josse a aussi participé à des comités consultatifs pour Amgen, Paladin, Alexion et Ultragenyx. Aliya Khan a reçu des subventions de recherche d’Alexion, d’Amgen Canada, de Takeda, d’Ascendis, de Chugai, de Radius, d’Amolyt et d’Ultragenyx, ainsi que des honoraires de conférencière d’Amgen, d’Alexion, d’Ascendis, de Takeda et d’Ultragenyx. La Dre Khan a également participé à des comités consultatifs pour Amgen Canada, Alexion, Amolyt, Ascendis et Takeda. E. Lynn Izumi Nash déclare que le Collège des médecins de famille de l’Ontario lui a versé des honoraires pour la conception d’ateliers de formation médicale continue sur l’ostéoporose. La Dre Nash est aussi membre du conseil consultatif scientifique d’Ostéoporose Canada (à titre bénévole). Zahra Bardai déclare avoir reçu des honoraires en tant que membre du comité de planification scientifique de Pri-Med Canada depuis 2011 et en tant que créatrice du Programme d’apprentissage basé sur la pratique en petit groupe de la Fondation pour l’éducation médicale continue, à l’Université McMaster. La Dre Bardai est aussi membre bénévole du conseil consultatif scientifique d’Ostéoporose Canada. Suzanne Cadarette déclare avoir reçu des subventions de recherche (versées à son établissement) en tant que cochercheuse principale pour des projets financés par les Instituts de recherche en santé du Canada et les National Institutes of Health. Heather Frame a siégé au conseil d’administration d’Ostéoporose Canada jusqu’en novembre 2020. Kaleen Hayes déclare avoir reçu des subventions de recherche à l’initiative des chercheurs du National Institute on Aging, d’Insight Therapeutics, de Genentech et de Sanofi (versées directement à son établissement), et des honoraires de consultation de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé. Alexandra Papaioannou a fait partie d’un comité consultatif et de services de conférenciers et conférencières et a reçu des honoraires d’Amgen Canada. Christine Thomas a été membre du conseil d’administration d’Ostéoporose Canada à différentes périodes.
Cet article a été révisé par des pairs.
Comité directeur : Suzanne N. Morin (présidente), Sidney Feldman, Larry Funnell, Lora Giangregorio, Wendy Ward, Sandra Kim, Nancy Santesso, Heather McDonald-Blumer (membre d’office).
Comité de surveillance des conflits d’intérêts : Heather McDonald-Blumer (présidente), Larry Funnell, Rowena Ridout.
Comité des parties prenantes : Heather McDonald-Blumer (présidente), Rowena Ridout, Larry Funnell.
Groupe de travail sur l’évaluation du risque de fracture : Sidney Feldman (président), Neil Binkley, Steven Burrell, Angela M. Cheung, Carol Holmes, George Ioannidis, Robert Josse, Aliya A. Khan, Virginie McIntyre, Suzanne N. Morin, Lynn Nash, Ahmed Negm, Lianne Tile.
Groupe de travail sur l’activité physique : Lora Giangregorio (présidente), Maureen C. Ashe, Zahra Bardai, Joan Bartley, Debra Butt, Phil Chilibeck, Isabel B. Rodrigues, Lehana Thabane, Matteo Ponzano, John D. Wark.
Groupe de travail sur l’alimentation : Wendy Ward (présidente), William Gittings, Lynn Nash.
Groupe de travail sur la pharmacothérapie : Sandra Kim (coprésidente), Nancy Santesso (coprésidente), Suzanne M. Cadarette, Sheila Dunn, Jamie Falk, Heather Frame, Kaleen Hayes, Susan B. Jaglal, Alexandra Papaioannou, Rowena Ridout, Christine A. Thomas.
Collaborateurs : Tous les auteurs ont largement contribué à la conception et au plan de l’étude, ainsi qu’à l’acquisition, à l’analyse et à l’interprétation des données. Les membres du Comité directeur ont rédigé la première ébauche et tous les auteurs ont contribué aux versions suivantes du manuscrit, notamment en révisant de façon critique le contenu intellectuel important. Tous les auteurs ont aussi donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Le financement provient des Instituts de recherche en santé du Canada (programme de Subventions de planification et dissémination, 2017) et d’Ostéoporose Canada. Les opinions des organismes subventionnaires n’ont aucunement influé sur le processus ni sur le contenu de cette ligne directrice, pas plus que sur la préparation du manuscrit.
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