Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.240244; voir la recherche connexe (en anglais) ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.221450
Les personnes enceintes en situation d’obésité courent un risque élevé de complications maternelles et fœtales graves1. Pour réduire les incidences des issues défavorables, il faut communiquer ces risques aux personnes de manière précise et respectueuse. Dans une recherche connexe, Ramji et ses collègues ont analysé plus de 650 000 naissances en Ontario et observé qu’un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30,0 avant la grossesse est associé à une incidence accrue de mortinatalité2. L’association persiste après une révision tenant compte des comorbidités, ce qui suggère que l’obésité est un facteur de risque indépendant pour cette issue tragique. Un IMC élevé avant la grossesse est également associé à un risque accru d’hypertension gestationnelle, de diabète gestationnel, de fausse couche, de naissance prématurée, de macrosomie et d’accouchement par césarienne, et le risque est plus élevé si la prise de poids pendant la grossesse est excessive1. Ces résultats soulignent l’importance de respecter les directives cliniques actuelles, qui recommandent de faire le suivi de la prise de poids pendant la grossesse et de surveiller davantage les personnes enceintes dont le poids est élevé3. Cependant, le fait d’axer les discussions sur le poids peut s’avérer contre-productif, et il faut adopter une approche nuancée pour fournir des conseils sur les risques prénataux.
Mettre l’accent sur le poids lors de la communication des risques peut renforcer les préjugés et la stigmatisation liés au poids, ainsi que la discrimination à l’égard des personnes enceintes. Les attitudes, croyances, hypothèses et jugements négatifs liés au poids qui prévalent dans la société, ainsi que les stéréotypes sociaux qui sont véhiculés sur les personnes en situation d’obésité, sont associés à des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale4. La stigmatisation liée au poids à laquelle sont confrontées les personnes enceintes en situation d’obésité se manifeste par des commentaires inappropriés ou des jugements (par exemple, sur leur aptitude parentale) et par des croyances infondées ou des idées fausses sur les comportements liés au mode de vie, y compris l’hypothèse de la paresse5.
Les quelques études, principalement qualitatives, qui ont évalué la stigmatisation liée au poids pendant la grossesse suggèrent que les prestataires de soins de santé estiment ne pas avoir reçu une formation suffisante et manquer de compétences pour conseiller en toute confiance les personnes enceintes sur les risques liés au poids et sur la prise de poids pendant la grossesse6. Ce malaise peut s’expliquer par la sensibilité du sujet et par la crainte d’offenser6. En revanche, certaines personnes enceintes croient que les prestataires de soins de santé accordent une importance excessive à leur poids et à leur statut à haut risque, et qu’ils s’attendent à ce que les complications de la grossesse liées au poids soient inévitables5. La stigmatisation liée au poids dont souffrent les personnes enceintes peut entraîner des sentiments d’anxiété, de culpabilité et de honte, qui peuvent conduire à l’évitement ou au retard du recours aux soins, ainsi qu’à réduire la confiance envers les prestataires de soins de santé et la participation active dans les soins de la personne7. Elle peut également mener à de mauvais comportements en matière de santé, tels que les troubles de l’alimentation et l’inactivité physique, ce qui entraîne une prise de poids pendant la grossesse et une préservation du poids après l’accouchement7. Les recherches émergentes sur les mécanismes biopsychosociaux complexes qui sous-tendent la façon dont la stigmatisation peut moduler l’association entre l’IMC et les résultats de la grossesse8 soulignent la nécessité d’optimiser les soins prénataux afin d’éviter d’aggraver le problème.
Un effort de collaboration est nécessaire de la part des prestataires de soins de santé pour favoriser une approche de nature délicate, culturellement appropriée et axée sur la personne lors de la prise en charge des personnes enceintes en situation d’obésité. Il convient d’accorder la priorité à la prestation de soins inclusifs ou neutres par rapport au poids, qui visent à éviter la stigmatisation en mettant l’accent non plus sur le contrôle du poids, mais sur l’adoption de comportements sains et durables chez toutes les personnes enceintes, quel que soit leur IMC avant la grossesse9. Cette approche est ancrée dans les principes de justice sociale et vise à accroître l’équité et l’accès aux soins des personnes de toutes identités, sans égard à leur poids.
La prise en compte du poids dans les soins de santé commence par l’assurance que les structures périnatales sont équipées pour répondre aux besoins des personnes enceintes en situation d’obésité, par exemple en mettant à disposition des équipements adaptés (chaises de salle d’attente, lits et fauteuils roulants), des articles médicaux de taille appropriée (brassards de tensiomètre, bas de contention et blouses) et en plaçant les pèse-personnes de façon à ce que ces personnes puissent être pesées en privé. Les prestataires de soins de santé doivent demander la permission avant de discuter du poids et de l’évaluer, et doivent centrer les conversations sur les indicateurs métaboliques, les symptômes signalés et l’état de santé et de bien-être général, plutôt que sur l’IMC. Bien que les personnes puissent avoir des préférences quant à la manière de se référer à leur corps, une terminologie neutre telle que « surpoids » ou « grande taille » est considérée comme plus approprié que d’autres termes tels que « excès de poids » et « obésité morbide ». Les prestataires de soins de santé sont encouragés à examiner leurs préjugés implicites en remplissant des outils tels que le test d’association implicite sur le poids (Weight Implicit Association Test)9 et en discutant avec leurs collègues des moyens d’éviter de perpétuer les préjugés liés au poids.
Les stratégies prometteuses qui peuvent être adoptées dans le cadre des soins de grossesse inclusifs comprennent la formation à la sensibilité pour favoriser une communication ouverte sur la prise de poids saine pendant la grossesse10 et l’utilisation de la trousse d’outils Les « 5 A » de la gestion de l’obésité d’Obésité Canada11. Les conseils sur une alimentation saine et l’activité physique demeurent importants, et l’éducation des personnes enceintes sur l’alimentation intuitive et la pleine conscience sont des techniques qui s’inscrivent dans l’approche des soins inclusifs par rapport au poids12,13. L’alimentation intuitive consiste à manger en fonction des signaux de faim et de satiété plutôt qu’en fonction de raisons externes ou émotives. Les interventions basées sur la pleine conscience, qui aident les personnes enceintes à être dans le moment présent de manière intentionnelle et sans jugement, peuvent améliorer la qualité de l’alimentation, augmenter l’activité physique et réduire l’anxiété13.
Des données supplémentaires sont nécessaires, mais les personnes enceintes en situation d’obésité devraient bénéficier de soins prénataux respectueux, exempts de stigmatisation, qui réalisent les objectifs des prestataires de soins de santé et de la patientèle afin de garantir des issues maternelles et fœtales positives.
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
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