Les lourds coûts financiers directs et indirects liés à un diagnostic de cancer touchent de nombreuses personnes au Canada et peuvent nuire aux résultats cliniques.
Les personnes à faible revenu ont un risque particulièrement élevé de fardeau financier et de conséquences connexes.
Dans les systèmes de santé du Canada, bien des coûts directs liés au traitement du cancer — comme les médicaments pris à la maison et les soins à domicile — ne sont pas financés par l’État, avec des variations considérables d’une province à l’autre.
Les coûts indirects liés au cancer comprennent la perte de revenu et les coûts des déplacements, des modifications au domicile, de la garde d’enfants et des soins.
Les efforts pour atténuer les fardeaux financiers liés au cancer au Canada devraient inclure la patientèle, les centres d’oncologie et les gouvernements.
Après un diagnostic de cancer, environ 33 %–40 % de la patientèle au Canada déclarent vivre une détresse financière, y compris des inquiétudes quant au paiement du prêt hypothécaire, à la fonte des économies et au retour au travail avant le rétablissement physique1,2. La toxicité financière, soit les coûts directs, indirects et émotionnels du cancer, est de plus en plus reconnue comme facteur de risque de mauvaise santé et d’issues négatives de la maladie1. Nous discutons des façons dont elle peut se manifester pour la patientèle atteinte de cancer au Canada et des façons de la combattre.
Bien que les systèmes de santé du pays offrent des soins primaires et hospitaliers gratuits aux résidentes et aux résidents, les personnes atteintes de cancer doivent souvent payer des frais considérables, notamment pour les médicaments et traitements, l’équipement médical à domicile, les soins à domicile et les suppléments nutritifs. Contrairement aux médicaments et aux services fournis à l’hôpital, les services à domicile et les médicaments sur ordonnance à prendre à la maison ne sont pas obligatoirement financés par l’État selon la Loi canadienne sur la santé1,3. La proposition de Loi canadienne sur l’assurance médicaments mentionne fréquemment le coût des médicaments contre le cancer comme exemple de fardeau financier pour les personnes et le besoin d’un financement national plus complet des médicaments4. Cependant, malgré une représentation continue, cette loi n’a pas été adoptée, ce qui signifie qu’il faut trouver d’autres approches pour atténuer la toxicité financière des traitements ambulatoires liés au cancer.
Le financement public couvrant les médicaments anticancéreux pris à la maison varie entre 64 % à l’Île-du-Prince-Édouard et 94 % en Saskatchewan5. Les personnes du Canada peuvent utiliser leur régime privé d’assurance, les programmes provinciaux de couverture des médicaments onéreux et les programmes de soutien offerts par les entreprises pharmaceutiques pour payer les médicaments non couverts. Toutefois, seulement 60 % des personnes du Canada ont une assurance maladie privée; souvent, ces assurances comportent des maximums de remboursement, des franchises ou des quotes-parts, et ont des processus de réclamation longs et complexes3,6. Bien des gens atteints de cancer paient donc une partie ou l’entièreté du coût de leurs médicaments. Les médicaments anticancéreux à prendre à la maison qui ne sont pas financés par les systèmes de santé provinciaux coûtent en moyenne 6000 $ par mois3. Ce manque de couverture pourrait encore s’aggraver, étant donné que la moitié des nouveaux médicaments contre le cancer sont à prendre à la maison7.
Au-delà de la représentation continue pour l’assurance médicament universelle au Canada afin d’assurer un accès amélioré à un large éventail de médicaments financés par l’État, la toxicité financière liée au cancer pourrait être réduite au moyen de politiques fédérales et provinciales plus exhaustives sur les coûts des soins et de l’équipement médical à domicile. Le financement des services à domicile est laissé à la discrétion des autorités sanitaires provinciales, ce qui fait que bien des coûts sont assumés par la patientèle atteinte de cancer et sa famille3. Il existe une variation considérable entre les provinces quant à l’admissibilité aux soins à domicile et à l’équipement médical et à leur subventionnement8. Bien que les régimes d’assurance privés puissent couvrir ces services, la plupart des personnes au Canada n’ont accès à ces régimes que par l’emploi; or, les personnes atteintes de cancer qui réduisent leurs heures de travail ou quittent leur emploi sont à risque de perdre cette couverture6.
En plus des coûts potentiels associés aux médicaments, à l’équipement et aux soins à domicile, un diagnostic de cancer peut s’accompagner d’une perte d’emploi ou d’une réduction du revenu, auxquelles peuvent s’ajouter des coûts de déplacement et d’hébergement pour les traitements, de garde d’enfants, et de modifications au domicile1. En moyenne, les personnes travailleuses indépendantes et employées atteintes de cancer subissent une perte de revenu de 43 % et de 24 % dans l’année suivant le diagnostic, respectivement9. Les répercussions vont souvent au-delà de la personne atteinte, touchant les personnes proches aidantes et les familles longtemps après la fin du traitement, selon une étude canadienne qui a révélé que 26 % des personnes proches aidantes avaient pris congé pour prendre soin d’une personne atteinte de cancer, perdant en moyenne 2402 $ de revenu par mois10.
L’amélioration des régimes d’avantages sociaux pour offrir de l’aide financière aux personnes qui prennent congé en raison d’une maladie pourrait donc aussi réduire la toxicité financière. Près de la moitié des personnes au Canada ne bénéficient d’aucun avantage social lorsqu’elles sont malades, et de nombreux régimes ne couvrent pas la durée d’un traitement typique contre le cancer11. Beaucoup de gens qui prennent congé après un diagnostic de cancer dépendent donc des programmes publics, comme les prestations de maladie de l’assuranceemploi (AE)11. Ce programme fournit jusqu’à 26 semaines de protection, ce qui couvre rarement la durée, la complexité et les conséquences continues des traitements contre le cancer11. La patientèle atteinte de cancer indique que le revenu tiré des prestations de maladie de l’AE ne suffit pas à soulager la détresse financière; le montant mensuel maximal actuel est bien en deçà du seuil de pauvreté au Canada11. De plus, le cancer n’est souvent pas considéré comme une maladie grave ou prolongée par le programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), ce qui signifie que la patientèle atteinte de cancer qui pourrait autrement y avoir droit ne peut pas recevoir ces prestations11. En étendant les exigences du RPC, on pourrait fournir un revenu aux personnes atteintes de cancer que les symptômes ou les traitements empêchent de retourner au travail dans la fenêtre de 26 semaines du programme de prestations de maladie de l’AE.
Les centres d’oncologie pourraient aussi jouer un rôle dans l’allègement de la toxicité financière. La mise en œuvre d’outils de mesure comme le questionnaire P-SAFE (Patient Self-Administered Financial Effects questionnaire) autoadministré par la patientèle sur les effets financiers du cancer et le questionnaire COST (Comprehensive Score for Financial Toxicity) pour établir l’indice de toxicité financière globale peuvent aider à repérer la patientèle à risque pour la mettre en contact avec du soutien et des ressources. Les services d’orientation pour les programmes de prestations publics se sont aussi montrés efficaces pour réduire le stress financier des personnes atteintes de cancer au Royaume-Uni12. Des modèles semblables existent au Canada avec des services de soutien intégrés, comme des travailleuses et travailleurs sociaux dans les centres de cancérologie, mais ils sont souvent sous-estimés et sous-financés. Les services d’orientation pourraient aider la patientèle atteinte de cancer à demander des prestations de maladie à l’AE et des prestations d’invalidité au RPC, et à accéder à des fonds de soutien pour le cancer ou à des programmes de soutien émotionnel. Le transport vers les centres et le stationnement contribuent aussi aux frais déboursés par la patientèle, surtout pour les traitements qui nécessitent plusieurs consultations comme la radiothérapie quotidienne. L’offre de transport et de stationnement gratuits ou à faible coût aiderait aussi à alléger le fardeau. Si les ressources sont limitées, les services et les options de transport et de stationnement pourraient être réservés à la patientèle ayant le plus besoin d’aide financière.
La toxicité financière est un problème d’actualité dans les soins contre le cancer au Canada, problème qui a le potentiel de submerger un grand nombre de personnes étant donné l’augmentation prévue de l’incidence du cancer au pays13, les coûts élevés des traitements anticancéreux novateurs et la hausse du coût de la vie. Les personnes à faible revenu vivent un risque particulièrement élevé de fardeau financier et de conséquences connexes, y compris de mauvais résultats cliniques. Les appels à l’innovation et à la transformation du système de santé ne doivent pas négliger le besoin de soutien pour gérer le fardeau financier lié au cancer chez la patientèle et sa famille.
Footnotes
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: L’auteur et l’autrice ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; il et elle ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Truman Wood est soutenu par l’Agence du cancer de la Colombie-Britannique. Rachel Murphy est soutenue par une bourse de la Fondation Michael Smith pour la recherche en santé de la Colombie-Britannique (no 17644).
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